Chaque
mois, nous sélectionnons un article que nous mettons
en ligne
Cet article a été publié au numéro
141 de Février 2005 dans la rubrique "Les réponses
des ministres aux questions des parlementaires". Nous opérons
une sélection de ces questions au journal officiel
et en réalisons un commentaire lorsque cela se justifie.
Question. - M. Christian Decocq attire lattention
de M. le ministre de la culture et de la communication sur
les problèmes rencontrés par les structures
culturelles face à la gestion administrative des
contrats des intermittents du spectacle. En effet, lembauche
dintermittent requiert dorénavant beaucoup
plus de démarches administratives, dautant
que les formulaires dembauche ont souvent changé
au cours de lannée. Cette lourdeur administrative
supplémentaire à gérer devient insupportable
pour beaucoup dorganismes culturels, et cela quelle
que soit la taille de la structure. Ainsi lOpéra
de Lille rencontre de nombreux problèmes pour répondre
aux attentes de lASSEDIC. Ainsi, sans remettre en
cause le bien-fondé de son action concernant le dossier
de lintermittence, et notamment le protocole liant
lÉtat et lUNEDIC du 1er juillet dernier,
il lui demande de bien prendre en compte ces difficultés
dans le nouveau système dindemnisation qui
devrait être mis en place sur la base des conclusions
des travaux de la mission dexpertise mise en place
en juin dernier.
Réponse. (1)
Lobjectif du Gouvernement est de conforter, au
sein de la solidarité interprofessionnelle, le régime
de lintermittence adaptée aux besoins et aux
spécificités de lemploi culturel. À
chaque étape, depuis le mois davril 2004, le
Gouvernement sest attaché à faire face
aux situations de plus grande précarité. LUNEDIC
(2) a accepté, pour les années
2004 et 2005, un retour à la situation antérieure
pour les congés de maternité. Depuis le 1er
juillet 2004, la création dun fonds spécifique
provisoire, financé par lÉtat, est destinée
à prendre en charge lindemnisation des artistes
et techniciens qui effectuent leurs 507 heures en 12 mois,
mais ny parviennent pas dans les 11 mois prévus
pour 2004 par le nouveau protocole. Ce fonds prend également
en charge lindemnisation des personnes en congé
de maladie pour une durée supérieure à
3 mois. Sans attendre, le Gouvernement sest engagé
dans le traitement résolu des problèmes de
fond. Sous légide de la DILTI (3),
la lutte contre les abus sest considérablement
accrue. Dans laudiovisuel, public ou privé,
la mobilisation des diffuseurs a permis dobtenir des
résultats significatifs en termes de réduction
du recours non justifié à lintermittence.
Les textes permettant le croisement des fichiers ont été
pris. Ils concrétisent ainsi un engagement quaucun
gouvernement navait mis en uvre depuis 1992.
Le décret du 7 mai 2004 autorise le croisement des
fichiers des employeurs et des salariés. Le décret
du 6 décembre 2004 autorise désormais le rapprochement
des fichiers entre les organismes sociaux. Le rapport de
Jean-Paul Guillon, chargé dune mission dexpertise
destinée à aider lensemble des acteurs
concernés à construire un système pérenne
de financement de lemploi dans les secteurs du spectacle
vivant, du cinéma et de laudiovisuel, et tout
particulièrement du système dindemnisation
du chômage des artistes et des techniciens, alimente
un large débat. Ce rapport a alimenté le débat
dorientation sur le spectacle vivant qui sest
tenu à lAssemblée nationale le 9 décembre
2004. Il a été examiné par le Conseil
national des professions du spectacle convoqué spécialement
à cet effet, le 17 décembre 2004. Un débat
sera tenu au Sénat, au mois de février prochain.
La conclusion du rapport est claire. Quelles que soient
les appréciations que lon peut porter sur les
dispositions en cours du régime dassurance-chômage,
il est temps de mobiliser les énergies et les volontés
vers une politique ambitieuse de lemploi culturel
plutôt quexclusivement sur les règles
dindemnisation du chômage. Lobjectif est
de créer les conditions dun accord sur un système
pérenne du financement de lemploi dans le secteur
- et sur la place que doit y prendre le régime dassurance-chômage.
Il faut sortir de la logique qui de crise en crise a démontré
son inefficacité et qui consiste à sacharner
sans résultat sur la définition des règles
du régime dassurance-chômage. Il faut
passer dun protocole daccord contesté
entre les partenaires sociaux interprofessionnels portant
seulement sur lassurance-chômage, à un
protocole daccord portant sur lemploi culturel
impliquant seulement, les collectivités territoriales,
les organisations du secteur et les confédérations,
ou chacun doit prendre les engagements correspondant à
ses responsabilités, et ou lassurance-chômage
sera progressivement ramenée à son vrai rôle.
Sans attendre louverture de ces discussions, les actions
qui dépendent directement de lÉtat et
qui correspondent à ces objectifs seront engagées
dès le début de tannée 2005. Ces actions
sorganisent autour de quatre axes : renforcer lefficacité
des contrôles, orienter les financements publics vers
lemploi, accélérer et systématiser
la conclusion de conventions collectives, accompagner les
efforts de professionnalisation des employeurs et des salariés.
Ces actions créeront les conditions dune meilleure
négociation pour un nouveau protocole dassurance-chômage
des artistes et techniciens, parce quelles montreront
que lon cesse de faire reposer sur la seule assurance-chômage
toute la structuration de lemploi dans le secteur.
En attendant la conclusion dun nouveau protocole,
le Gouvernement a décidé de renouveler le
fond spécifique selon des modalités qui ont
été précisées lors du CNPS
(4) du 17 décembre 2004.
Commentaire : Une fois nest pas coutume,
nous partageons en partie lanalyse du ministre, en
tout cas lorsquil reconnaît que la question
nest pas principalement le régime dassurance-chômage
mais le mode de financement de la culture en général.
Le problème, cest que le ministre ne sentoure
que des conseils de ceux qui ont le plus grand intérêt
à ce que rien ne change. La presse sest ainsi
fait récemment lécho de la manière
dont certains établissement publics (notamment la
Comédie Française) traitent le code du travail
(pas de contrats écrits, utilisation de CDD pour
des emplois permanents, absence de prise en compte des heures
supplémentaires (remplacées par des feux),
absence de prise en compte des dispositions sur le travail
de nuit, ou sur le travail le dimanche, pas de contrats
avec les artistes pour les productions audiovisuelles, non-respect
des dispositions relatives à linformatique
et aux libertés). Le ministère de la culture
a pourtant les moyens de vérifier la conformité
sociale de ces établissements. À loccasion
des demandes de subventionnement ou de lexercice des
droits de tirage des producteurs audiovisuels auprès
du centre national de la cinématographie, il serait
possible de demander de vérifier les contrats et
de voir que de très nombreux intervenant ne sont
pas payés. Mais comment un directeur général
du Centre national de la cinématographie qui encourt
des poursuites multiples pour des faits de corruption (notamment
prise illégale dintérêt), peut-il
critiquer une production souvent financée en partie
par une entreprise dirigée elle aussi par un haut
fonctionnaire du ministère de la culture qui a lui
aussi bénéficié dun pantouflage
illégal quelques années auparavant. Comment
linspection générale de ladministration
du ministère de la culture peut elle mener sereinement
des vérifications au sein des entreprises culturelles
publiques quand un nombre conséquent de ces mêmes
entreprises sont dirigées ou intègrent dans
leur conseil dadministration des hauts fonctionnaires
de la culture membres du corps de cette même inspection
générale de la culture. Tant que lon
ne se décidera pas à résoudre cette
question et à permettre les conditions de lexistence
dune administration de la culture indépendante
et impartiale, en mesure de faire appliquer de façon
non discrétionnaire les réglementations, on
ne pourra trouver de solution à cette question et
les contentieux ne pourront que se multiplier. La solution
viendra peut-être de lEurope et lon comprend
pourquoi la plupart des institutions culturelles sont si
opposées au projet de Directive sur les Services
qui permettrait enfin de faire sauter toutes ces réglementations
françaises archaïques qui font lossature
de lexception culturelle française. Le fait
que notre ingénierie culturelle française
ait récemment remporté un appel doffre
international pour assurer une programmation culturelle
en Chine est assez significatif du niveau de reconnaissance
de notre système culturel à létranger
(5).
(1) QAN 1er février 2005, p.
1047.
(2) UNEDIC : Union nationale Interprofessionnelle
pour lemploi dans lIndustrie et le commerce.
(3) DILTI : Délégation
interministérielle à la lutte contre le travail
illégal.
(4) CNPS : Conseil National des Professions
du Spectacle.
(5) QAN 15 février 2005, p.
1641.
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