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Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique
  

L’exception culturelle n’autorise pas à ignorer
le code pénal :
Monsieur Dominique WALLON
va retourner devant les juges

Chaque mois, nous sélectionnons un article que nous mettons en ligne

Cet article a été publié au numéro 138 de Novembre 2004

Le fait d’être nommé à une fonction dans le domaine de la culture ou de la communication par un acte émanant du gouvernement (décret ou arrêté), et prévu dans les statuts d’association ou de sociétés créées ou financées par les pouvoirs publics ne saurait exonérer un agent public de la responsabilité qu’il encourt si cette nomination le met en situation d’infraction avec la loi pénale.

Monsieur Dominique WALLON, ancien directeur général du Centre National de la Cinématographie, puis Directeur de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles était poursuivi par la Société de perception et de répartition de droits d’auteur Grace qui avait obtenu sa condamnation au titre de la prise illégale d’intérêt par le Tribunal de Grande Instance de Paris en 2002. En appel, et après avoir perdu le dossier de la partie civile, la Cour avait relaxé Monsieur WALLON et condamné la Société GRACE pour abus d’action en justice. La Cour de cassation vient de casser cet arrêt et renvoie Monsieur WALLON devant la Cour d’Appel de Versailles qui est à nouveau saisie de l’intégralité du dossier (1). Étant donné l’importance de cet arrêt très détaillé, et le nombre conséquent d’agents publics qui se trouvent dans une situation similaire, nous en publions de larges extraits. Cette décision devrait en effet faire jurisprudence et un certain nombre de hauts fonctionnaires du ministère de la culture sont également poursuivis pour des faits similaires dans le cadre d’une plainte avec constitution de partie civile qu’a déposé le Syndicat National des Entreprises Artistiques. La situation reprochée à Monsieur Dominique WALLON est semblable à la situation de la plupart des personnes figurant dans notre petit bréviaire de la corruption. Cette décision valide l’analyse que nous avons régulièrement présentée dans ces colonnes. Elle n’est d’ailleurs pas innovante, c’est simplement la première fois qu’il en est fait application dans le secteur culturel.

Cette décision montre également que la prise illégale d’intérêt ne crée pas uniquement un préjudice à l’État et qu’un syndicat ou une organisation professionnelle peut invoquer un préjudice et utilement porter plainte.
Cette décision de la Cour de cassation confirme que les agents publics peuvent être condamnés pour leurs présences dans des institutions sur lesquelles ils ont par ailleurs charge de tutelle. Nous reproduisons ci-après les principales dispositions de cet arrêt.

" vu l’article 593 du code de procédure pénale, ensemble l’article 122-4 du Code pénal ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que Dominique WALLON, qui présidait depuis le 29 mars 2000 le conseil d’administration de l’Institut pour le Financement du Cinéma et des Industries Culturelles (IFCIC) ; dont il avait été nommé administrateur le 21 décembre 1998, a été désigné, par décret du ministre des finances, en date du 14 juin 2001, membre de la commission permanente de contrôle des Sociétés de Perception et de Répartition des droits Droits d’auteur (SPRD) ;

Attendu que la société Groupement des Artistes et Concepteurs Créateurs d’Environnement (GRACE), qui est une SPRD constituée conformément aux dispositions de l’article L. 321-1 du Code de la propriété intellectuelle, a fait citer directement devant le tribunal correctionnel Dominique WALLON pour prise illégale d’intérêts, lui reprochant de cumuler les fonctions de membre de la commission permanente de contrôle des SPRD et de président de l’IFCIC qui reçoit et gère des fonds de ces sociétés ;que par jugement du 24 mai 2002, le tribunal l’a déclaré coupable de ce chef ;

Attendu que, pour relaxer Dominique WALLON et débouter la partie civile de ses demandes, l’arrêt attaqué, après avoir constaté que ce cumul de fonctions constitue l’élément matériel du délit de prise illégale d’intérêt, retient que l’intéressé a été nommé membre de la commission permanente de contrôle des SPRD, par décret du ministre des finances, en application de l’article 12 de la loi du 1er août 2000 qui a créé cette commission et prévoit la présence d’un membre appartenant à l’inspection générale des finances ; que les juges relèvent qu’il a été nommé administrateur de l’IFCIC, en qualité de directeur de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, par arrêté conjoint des ministres des finances et de la culture du 21 décembre 1998, en application des statuts de cet organisme prévoyant la présence parmi ses administrateurs d’un représentant des ministères des finances et de la culture ; que les juges en déduisent que le cumul de fonctions reproché à Dominique WALLON résulte de " l’ordre de la loi et de son application par les membres du gouvernement et non de la volonté du prévenu
".

"Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que, d’une part, elle constatait que le prévenu, en qualité de membre de la commission permanente de contrôle des SPRD et de président de l’IFCIC, s’était trouvé en situation de contrôler lesdites sociétés dont l’IFCIC pouvait recevoir des fonds, que, d’autre part, l’intention coupable est établie du seul fait que l’auteur a accompli sciemment l’élément matériel du délit, la cour d’appel, qui n’a caractérisé ni l’ordre de la loi ni le commandement de l’autorité légitime, n’a pas justifié sa décision. D’ou il suit que la cassation est encourue ".

C’est donc sur le fondement des articles 593 du code de procédure pénale et 122-4 du code pénal que la cour de cassation sanctionne l’arrêt de la cour d’appel de Paris.

L’article 593 du code de procédure pénale énonce que " les arrêts et jugements en dernier ressort sont déclarés nuls s’ils ne contiennent pas de motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour de cassation d’exercer son contrôle et de connaître si la loi a été respecté dans le dispositif. "
L’article 122-4 du code pénal énonce quant à lui que " n’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires.

N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal. "
Or, la cour d’appel avait relaxé Dominique WALLON au motif que le cumul de fonction reproché résultait " de l’ordre de la loi et de son application par les membres du gouvernement et non de la volonté du prévenu ", sans préciser quelle loi avait organisé un tel cumul. Il ne s’agit évidemment pas de la sanction d’une simple erreur de la Cour d’appel. En effet cette dernière était dans l’incapacité de motiver d’avantage sa décision. En effet, les statuts d’une société anonyme, en l’occurrence l’IFCIC qui est un organisme financier, ne sauraient avoir valeur législative ou réglementaire, et autoriser une dérogation à la loi pénale. Il en serait de même des statuts d’associations selon la loi de 1901 qui prévoient la présente d’élus ou de fonctionnaires en leur sein. De plus aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit que les personnes nommées par l’Etat en qualité de membre de la commission de contrôle des SPRD peuvent conserver des fonctions ou des intérêts dans des entreprises contractant avec ces mêmes sociétés, même si elle était également nommée à cette autre fonction par une décision du gouvernement.
Il ne suffisait donc pas d’invoquer l’ordre de la loi, encore fallait il le caractériser et que cet ordre ne soit pas manifestement illégal.

Ainsi, quand l’état ou une collectivité créée une association selon la loi de 1901 pour contourner les règles de la comptabilité publique, même si les statuts désignent comme membre de droit des fonctionnaires ou des élus par ailleurs en charge de la tutelle de cette entreprise, ce comportement est sanctionné par les articles 432-1 et 432-2 du code pénal de 10 années d’emprisonnement et de 150 000 Euros d’amende, et cet ordre de la loi est manifestement illégal. Les artistes et producteurs qui sont souvent agacés de voir des agents publics prendre des intérêts dans des entreprises du secteur et considèrent subir une concurrence déloyale savent désormais que cela n’est pas seulement déontologiquement condamnable, mais pénalement répréhensible, et surtout, qu’il ne s’agit pas uniquement d’une vue de l’esprit.

(1) Cass. Crim 4 novembre 2004, 03-84.687 (n° 6238).

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