Chaque mois, nous sélectionnons un article que nous
mettons en ligne.
Cet article a été publié au numéro
135 de Juillet 2004. Il est issu de notre rubrique"
les réponses des ministres aux parlementaires".
Il s'agit d'une sélection de questions de députés
et de sénateurs, de la réponse du ministre
et de notre commentaire qui vient donner des précisions
sur le sujet.
Question. - M. Jean-Marc Roubaud appelle lattention
de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité
intérieure et des libertés locales sur les
conditions d'obtention du titre de séjour pour les
artistes musicaux de nationalité étrangère
et hors Communauté européenne. De nombreux
artistes en devenir, de nationalité étrangère,
ont " signés " en France dans de grandes
" majors musicales ". À ce titre, ils sont
tenus de pouvoir circuler sur le territoire national. Or
pour obtenir un titre de séjour prolongé en
France, il faut pouvoir justifier de revenus réguliers,
ce qui ne peut être le cas pour des jeunes artistes
bénéficiant d" avances financières
" de la part des maisons de disques. En conséquence,
il lui demande quelles mesures il serait possible denvisager
afin de faciliter l'obtention d'un titre de séjour
pour les artistes en France.
Réponse. (1)
- La législation prévoit la délivrance
d'un titre de séjour spécifique aux étrangers,
ressortissants d'États tiers à l'Union européenne,
qui souhaitent exercer une activité artistique rémunérée
en France. Il sagit de la carte de séjour temporaire
mention " profession artistique et culturelle
". Elle est délivrée aux artistes-interprètes
ou auteurs d'uvres littéraires ou artistiques
qui justifient dun contrat de plus de trois mois passé
avec une entreprise ou un établissement dont l'activité
principale comporte la création ou lexploitation
d'une uvre de l'esprit. La durée de validité
de la carte, limitée à un an, correspond à
celle du contrat précité augmentée
dun mois. Pour ceux qui justifient d'un contrat d'une
durée inférieure à trois mois, il peut
être délivré une autorisation provisoire
de séjour assortie d'une autorisation de travail.
La législation en vigueur ne pose pas par conséquent
comme condition daccès au titre de séjour
pour les artistes une régularité de revenus,
mais exige un engagement professionnel dont la durée
déterminera la nature du titre remis : autorisation
provisoire de séjour ou carte de séjour temporaire.
L'artiste qui, à défaut d'engagement nouveau,
ne se verrait pas renouveler son titre de séjour,
devra, pour séjourner en France, solliciter une carte
de séjour pour un autre motif.
Commentaire. - Si la réponse du ministre
nous semble exempte de toute critique sur le plan des principes,
nous attirons toutefois lattention des producteurs
de disques qui souhaiteraient utiliser cette technique pour
faire venir en France des artistes sous contrat et qui les
rémunéreraient dans le cadre davances
financières, quils comptent sans doute récupérer
soit sur les cachets des spectacles effectués en
France, soit sur les ventes de disques ou de droits dexploitation
de ses enregistrements. En effet, la question du député
lui a sans doute été soufflée par un
producteur de disques et correspond certainement à
un cas concret. Or, il convient de rappeler que lartiste
qui a signé un contrat avec une maison de disque,
sil nest pas ressortissant dun état
de l'EEE bénéficiant dun autre statut
et que le contrat ne peut sanalyser juridiquement
comme un contrat de coproduction peut revendiquer en France
le statut de salarié. Or, le versement davances
financières à un artiste dans le cadre dun
tel contrat fait courir au producteur un certain nombre
de risques.
Tout dabord, cette avance financière qui est
la contrepartie de lengagement de lartiste peut
être requalifiée en salaire, et assujettie
à charges sociales. En effet, pour pouvoir sanalyser
comme un emprunt, il est nécessaire que lavance
soit remboursable, et non seulement récupérable,
et que le contrat organise clairement les échéances
de remboursement. Le contrat doit également prévoir
le paiement dintérêts, le prêt
à taux zéro sanalysant en effet comme
un avantage en nature, de surcroît non déclaré
et non assujetti à perception sociale et fiscale.
Lartiste ayant en principe la qualité de salarié,
les modalités de remboursement de cet emprunt doivent
être conformes aux dispositions du code du travail,
notamment de larticle L.144-1 qui précise quaucune
compensation ne peut être opérée par
lemployeur entre le montant des salaires dus par eux
à leurs salariés et les sommes qui leur seraient
dues à eux-mêmes pour fournitures diverses,
quelle quen soit la nature, à lexception
toutefois des outils et instruments nécessaires au
travail ou des sommes avancées pour lacquisition
de ces mêmes objets (ainsi de frais dacquisition
de matériel de musique).
Dans lattendu de principe dun arrêt en,
date du 17 juillet 2001, la Cour de Cassation a énoncé
qu" en sa qualité de travailleur étranger,
le salarié ne pouvait faire lobjet daucune
retenue sur son salaire " (2).
La Cour de cassation se fonde sur larticle L. 341-7-1
du code du travail, lequel interdit de récupérer
les sommes que lemployeur a versées au salarié
pour le faire venir en France sur son salaire. Ces dispositions
sont sanctionnées pénalement (3).
Or, les rémunérations versées aux artistes
du disque qui nont pas la qualité de coproducteur
ont toujours la nature de salaire. En effet, larticle
L.212-6 du code de la propriété intellectuelle
précise que seules les rémunérations
excédant les bases fixées par la convention
collective peuvent ne pas avoir la nature de salaire. Dans
la mesure où il nexiste plus daccord
collectif dans le domaine du disque depuis 1995, les rémunérations
versées aux artistes pouvant prétendre à
la qualité de salarié ont toujours la nature
de salaire.
Le contrat dartiste sanalysant comme un contrat
de travail, cest à linspection du travail
et non à la DRAC (4) que le
contrat devra être soumis afin dobtenir un visa
profession artistique et culturelle. Il convient alors de
ne pas tomber sur un contrôleur du travail connaissant
la matière.
Dans une telle situation, et si lartiste a également
la qualité dauteur compositeur, il est préférable
de le faire venir en France sur la base dun contrat
de commande duvre, décriture ou
dédition, qui ne relèvera pas du droit
du travail et qui sera soumis au visa de la DRAC et non
de linspection du travail.
(1) JO A.N. 29 juin 2004, p. 4943.
(2) Cass. Soc 17 juillet 2001 n°
3748 FS-P.
(3) Articles L. 364-4, L. 364-8 et
L. 364-10 du code du travail.
(4) Direction Régionale des
Affaires Culturelles.
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