Vous êtes président de lassociation des
ADIAM, dans quel objectif ont été créées
les ADIAM, comment fonctionnent-elles ?
" Les ADIAM, ADIM..., le générique cest
ADDM, Associations Départementales de Développement
Musical. Ces associations sont issues du plan LANDOWSKY
(ancien directeur de la musique et de la danse et père
dAnne CHIFFERT (1) ) qui a été mis en
place dans les années 70. Ce plan, élaboré
à lépoque pour dix ans, devait toucher
tous les secteurs de la musique et de la danse avec un volet
enseignement. Cela a été la pyramide des conservatoires,
CNR, écoles agréées etc., un volet
diffusion avec des orchestres symphoniques, orchestres de
chambre dans les régions, un volet lyrique avec création
dopéras en province, et cela a moins bien marché,
et enfin un volet de coordination, danimation, de
formation, daction dans les écoles, sur le
terrain qui a débouché sur la mise en place
de délégués régionaux dans les
DRAC et départementaux comme directeurs dADDM.
Marcel LANDOWSKY avait donc décidé de mettre
en place des structures de terrain mais qui navaient
pas de caractère obligatoire. Ces structures ne peuvent
être mises en place que sil y a un accord entre
dune part, lÉtat, le ministère
de la culture et les DRAC, et dun autre côté
le Conseil Général pour se doter dun
outil commun, outil qui à la fois au niveau du conseil
dadministration et au niveau des objectifs, sera déterminé
par les uns et par les autres. "
Si je vous ai bien compris cest une responsabilité
à 50 -50 ?
" Ce nest pas forcement cela. Cest simplement
la représentation la plus large dans les conseils
d'administration, avec côté État, le
préfet, le directeur régional des affaires
culturelles, le conseiller à la musique, souvent
linspecteur dacadémie, le directeur de
la jeunesse et des sports... Du côté du Conseil
Général, on a le président du Conseil
Général, le vice-président chargé
de la culture, membres du Conseil Général,
responsable des affaires culturelles. Et donc une représentation
à la fois des élus et des services. Et un
troisième collège, composé dutilisateurs
qui siègent également. Après, suivant
les départements, vous avez un équilibrage
concerté. La plupart du temps, cependant, le Conseil
Général est majoritaire. Il peut arriver éventuellement
que ce soit aussi lÉtat qui soit majoritaire.
"
Quel sont les rôles de telles
associations ?
" Dabord un rôle dinformation, puis
de coordination et de médiation, et enfin un rôle
dopérateur et de mise en place dactions
nouvelles permettant le développement de tel ou tel
secteur. Nous sommes passés du rôle danimateur
en faveur de la musique et de la danse au rôle dopérateur
dactions, de festivals, etc. Aujourdhui nous
sommes réellement responsables des politiques départementales
sous la responsabilité des conseils généraux
et de lÉtat. "
Comment lADIAM 92 gère-t-elle
de gros événements comme Chorus ou Jazz à
la Défense ?
" Chorus est une des grosses opérations qui
a été confiée à lAdiam
92 par le biais du hasard et de la chance. Mais lAdiam
92 existerait tout aussi bien sans Chorus. Quand je suis
arrivé dans les Hauts-de-Seine fin 1981, Jack LANG
venait de lancer les centres régionaux de la chanson,
quatre en tout, dont un à Nanterre. A lépoque,
on me demandait de tout faire, sauf des événements
de ce type puisque cétait le centre régional
de la chanson qui s'en occupait. Jétais au
conseil dadministration comme membre de droit et pour
les aider à monter des choses. Mais très vite
au bout de huit mois, des conflits, une mauvaise gestion
ont fait que le centre a explosé avec un déficit
et lassociation a été mise en liquidation.
Cela sest très mal passé. Après
une bombe, il y a ensuite un terrain complètement
déchiqueté. Deux à trois ans après,
le hasard des rencontres a fait que jai découvert
un théâtre qui souhaitait faire un tremplin
pour de jeunes chanteurs. On avait un budget de 5 000 F
et cela a drainé un public. On était les premiers
étonnés de voir quil y avait un intérêt.
Cela a ensuite grandi petit à petit. Jusquau
moment où est arrivé à la présidence
du Conseil Général des Hauts de Seine Nicolas
SARKOZY. Lui a trouvé le tremplin intéressant
et voulait aussi des vedettes. On a alors créé
une semaine de la chanson. Tout cela a été
regroupé pour devenir le festival Chorus des Hauts
de Seine avec 17 villes comme partenaires. "
Aujourdhui on voit bien que
cela nest plus aussi modeste quau départ.
Quel est le montant des subventions nécessaires à
un tel événement, quels sont les partenaires
?
" Nous sommes dans une situation tout à fait
particulière et originale. Je veux dire que nous
avons un peu inventé ce qui est aujourdhui
à la mode et qui sappelle " la mise en
réseau ". Sur le festival qui est à peu
près dun montant de 15 à 16 millions
de francs, pour cent cinquante concerts, le Conseil Général
nous a donné une somme de 6 MF, aujourdhui
elle est de 3 MF. Le reste, 6 à 7 MF, est pris en
charge par les communes en supplément de la mise
à disposition des salles et de la technique. "
Et le ministère de la culture
?
" Le ministère de la culture donne 100 000 F
pour les tremplins, et depuis quatre ans nous avons pu obtenir
par la réserve complémentaire du Sénat,
une somme entre 400 000 F et 600 000 F du ministère.
Il y a aussi la SACEM pour 200 000 F, lADAMI pour
100 000 F puis des échanges avec des médias.
Comparés à des festivals comme Bourges ou
les Francofolies, qui représentent 30 MF nous avons
un festival très peu cher. "
En gros il y a 45 000 entrées
en billetterie pour ce festival. Par rapport à votre
statut dassociation loi 1901...
" La billetterie ne nous revient pas mais va à
chaque lieu. Chaque lieu achète les concerts et nous
intervenons pour payer une partie des concerts à
la ville. En gros si un artiste coûte 100 F, grâce
à CHORUS, il ne coûtera que 70 F. La billetterie
va à la ville, nous ne touchons aucun argent là-dessus.
Bien que, pour rendre service au public, nous ayons mis
en place une billetterie centralisée. "
Revenons sur la question que je navais pas terminée.
Chorus, cest un festival et vous êtes une association.
" Chorus est un événement et nous, nous
sommes une association dutilité publique (2).
"
À cet égard, comment
réagissez-vous par rapport à la loi SAPIN
et à lobligation de mise en concurrence sur
des marchés culturels publics ?
" Nous ne gérons pas, nous nachetons pas,
nous ne faisons pas de commerce. Mon rôle nest
pas de faire du commerce mais de mener des politiques en
faveur des artistes, des associations, du Conseil Général
et de lÉtat. Il nest donc pas question
pour Chorus de devenir une activité commerciale.
Par rapport au domaine de la chanson qui intéresse
les villes et lÉtat, nous avons mis en place
simplement un certain nombre de mesures, un certain nombre
de dispositifs regroupés dans le cadre dun
festival. La moitié des artistes programmés
sont inconnus, des premières parties, du cabaret...
tous ceux que personne ne veut aider. Tous les éléments
du risque qui nous permettent daider un nombre considérable
de gens qui sans Chorus ne pourraient pas être aidés.
"
Il y a pourtant des vedettes et par
certains côtés on frise laspect commercial
?
" Je ne suis absolument pas daccord
avec vous...
Je ne sais pas où vous voulez en venir. Il faut être
clair... je vous sens tourner... "
Cest simple, nous faisons une
enquête où il semble que toutes les associations
culturelles ne respectent pas forcément les dispositions
légales dans certains domaines comme la libre concurrence.
Là vous dites quil ny a pas de problème
!
" Je dis que le rôle des ADIAM est clair, cest
un rôle de service public, de développement
de la musique et de la danse sous un certain nombre de formes.
"
Et au niveau juridique...
" Jai un expert comptable, jai un commissaire
aux comptes, jai eu des contrôles incessants,
normaux ou réguliers de toutes les caisses possibles
et inimaginables. Jai même eu des contrôles
internes au cas où la Cour des Comptes nous ferait
des contrôles. Un certain nombre dADIAM a dailleurs
eu des contrôles. "
Mais ne pensez vous pas que le statut dassociation
loi 1901 par rapport aux grosses sommes que vous gérez,
est un statut qui ne convient pas ?
" Je pense quil faut regarder quel est le moins
mauvais statut. Bon, si vous voulez parler de municipalisation
ou de la départementalisation, cela est catastrophique
pour le dynamisme des équipes, cest catastrophique
car on ne sait pas ce qui sort, ce qui rentre, où
va largent (3), on na plus déléments
danalyse et on devient des fonctionnaires. Donc cela,
je peux vous dire que du point de vue de la culture, cest
catastrophique. Deuxièmement, létablissement
public cest extrêmement lourd. Moi je ne suis
contre rien. Il y a dailleurs un projet de loi visant
à mettre en place un établissement local de
développement culturel. Je ne suis contre rien, mais
je dis que pour travailler il faut une certaine souplesse
et un certain nombre déléments de contrôle.
De cela on peut reprocher au secteur associatif davoir
été trop peu contrôlé, et trop
souple. À linverse, les autres sont trop rigides.
Cela fait des années que lon en parle.
Cherchons un système qui conserve la souplesse, et
qui permette cependant un contrôle public (4). Pour
le moment le système associatif me parait le moins
mauvais, je ne dis pas quil est bon. Ceux qui sont
proposés en alternative sont plus mauvais. "
Comment réagissez-vous par
rapport au fait que Jack LANG juste avant de partir, ait
mis en place des réglementations afin de mieux contrôler
ces associations ?
" Il faut revoir tous les contextes, dans les années
80 à 90 cétait le " tout argent
". Tout le monde se croyait impuni que ce soit le football,
les HLM ou la culture. Je crois quil y a eu des pratiques
nocives venant de partout. Ces pratiques ont utilisé
des outils et ces outils ont été détournés.
Cette période a entraîné des abus quil
est tout à fait légitime de condamner. Est-ce
à dire quaujourdhui il faut jeter le
bain, le bébé dans le bain et leau du
bain ? Cest cela le problème. "
Cest pourtant ce qui sest
passé parfois !
" Cest ce qua fait un peu tout le monde.
Dès le moment où les élus ont vu que
cela tournait mal, ils en ont pris deux ou trois pour faire
des exemples, ils ont fait sauter deux ou trois associations.
Et comme Ponce Pilate ils se sont lavés les mains,
ont démissionné de toutes ces associations
et ont mis des seconds couteaux pour ne plus être
pris. Aujourdhui vous vous apercevez quil ny
a plus aucun grand nom dans les présidents dassociations.
En ce qui me concerne, un service départemental souple
comme le nôtre, qui est relié à la politique
des élus, je pense quil est important que les
élus soient présents et prennent leurs responsabilités.
Moi je travaille pour le compte des élus et les décisions
sont prises dans ce cadre là. "
En clair vous dites que vous êtes
au service des élus et que ce sont eux qui prennent
leurs décisions.
" Cest le jeu! Moi je propose une politique,
ensuite les élus disent oui ou non. Après
je réalise sur le terrain la politique qui a été
décidée par les élus. "
Et avec le ministère de la culture, vous avez une
concertation? Car vous navez pas beaucoup parlé
du ministère, on a limpression quil na
que très peu de rôle dans votre mission ?
" Non, au contraire, elle est totale. Le reste est
votre interprétation. Pour linstant vous mavez
orienté sur les associations, sur le rôle des
élus et sur la gestion de fait. Si vous voulez quon
parle de lÉtat...
LÉtat a voulu ces associations, lÉtat
les a proposées, imposées, les a vendues aux
collectivités territoriales. "
On a limpression que lÉtat
a délégué un maximum de services sur
des kyrielles dassociations. Quen pensez vous
?
" On pouvait réaliser dautres modes de
gestion de la culture, en particulier vous avez les DRAC
au niveau régional. Il n y a pas de DRAC au
niveau départemental, alors quil y a des directions
départementales pour dautres secteurs dactivités.
Le ministère, pour des raisons qui lui appartiennent,
par manque de moyens, na pas voulu ou pu mettre en
place un service dÉtat au-delà de la
déconcentration de lÉtat en région.
Cest la raison pour laquelle la direction de la musique
a souhaité avoir des relais et a inventé cet
hybride que sont les associations départementales.
Et entre ne rien faire et faire un hybride, il vaut mieux
faire un hybride qui a dailleurs montré quil
était assez efficace. "
Mais ces associations, semble-t-il,
pourraient être considérées au niveau
juridique comme transparentes et fictives ?
" Je ne vois pas ce que cela veut dire, on joue sur
les mots !!! je ne sais pas ce que vous voulez démontrer
et cela vous appartient.
Nous sommes un service, moi je dis un service public. Certes
on peut discuter sur le plan juridique. Un service dutilité
générale qui a une forme dassociation.
Point !!! Si vous préférez nous sommes un
service para-administratif. Mais depuis le départ,
cest très clair et très précis.
Dans la mesure où nous sommes dans la mission qui
nous a été assortie, où cette mission
est positive, où elle est évaluée à
longueur de temps par nos conseils dadministration,
par les assemblées générales, par les
contrôles X et Y que nous narrêtons pas
davoir, tant que je suis dans la vocation de ce qui
ma été donné, je considère
que je suis dans la vocation de ce qui ma été
confié. "
Donc, pour vous, il n y a pas
de problème juridique ?
" Jjai une convention tripartite qui était
signée tous les trois ans qui est maintenant signée
chaque année avec le préfet, le président
du Conseil Général et le président
de lassociation qui signent, définissant les
missions de lassociation, les obligations, ce pour
quoi elle est faite, ce quelle doit faire, ne pas
faire etc. et signé par lÉtat.
Cela fait dix neuf ans que cela fonctionne et je nai
jamais été mise en cause sur quoi que ce soit.
A chaque fois quil y avait des doutes, on a corrigé
les éléments. Par exemple avec le département
il fallait quil y ait une convention de mise à
disposition des locaux, nous lavons faite. Il y a
une mise en conformité juridique constante de notre
structure et nous sommes épluchés de très
près. Nous sommes sur un département sensible,
et si il y avait eu quoi que ce soit à nous reprocher,
la presse naurait pas hésité à
en parler. "
(1)
Ndla.
(2)
Cette affirmation est mensongère. L'ADIAM 92 n'a
jamais fait l'objet d'une déclaration d'utilité
publique.
(3)
Ce statut de fonctionnaire n'a justement pas été
fait pour avoir des activités commerciales... (Ndla)
(4)
Ce système existe depuis longtemps et est largement
utilisé, il s'agit de la délégation
de service public, mais conclue légalement.
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