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Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique
  
Annexe 8 - 4.
Les Centres Dramatiques " Nationaux "

Les premiers Centres Dramatiques Nationaux ont été créés juste après la dernière guerre, dans le cadre de la décentralisation culturelle. Fin 1997, on comptait 34 CDN dont 6 CDN pour l'enfance et la jeunesse (CDNEJ). Ils sont répartis sur tout le territoire.

Il existe également 9 centres dramatiques régionaux. Ces derniers fonctionnent également sur la base de conventions tripartites. Leur cahier des charges est adapté à leur mission de rayonnement local et régional.

Un contrat triennal (le contrat de décentralisation dramatique) les lie à l'État et précise leurs obligations. Ce contrat fixe notamment le nombre de productions, de créations d'œuvres d'auteurs vivants de langue française, de représentations dans la région, de journées d'engagement d'artistes interprètes, etc.

Les directeurs des CDN sont dans la plupart des cas des artistes et metteurs en scène (1). Selon la direction du théâtre et des spectacles, ils seraient à peu prêt les trois-quart à venir du milieu artistique des metteurs en scènes . Les meilleurs ou les plus performants sur le plan de la communication et du relationnel peuvent encore espérer franchir une étape, diriger un jour un théâtre national. Mais là il n’y en a plus que cinq, plus la Comédie Française. Les CDN n’ont cependant pas tous la même importance, les subventions directes de l'État oscillent ainsi de 1,6 MF pour le CDN de Fort de France à 30 MF pour le Théâtre des Amandiers de Nanterre. Cela permet donc à ces directeurs d'évoluer en passant d’un centre à un autre. Les directeurs restent en effet en moyenne six ans dans le même poste.
Les CDN ont l’apparence juridique d’entreprises privées, mais leurs directeurs devraient dans les fait relèver de la fonction publique.

Ils sont nommés, sur la base d'un projet artistique pluriannuel, par le ministre de la culture après avis favorable des collectivités territoriales. Il s’agit sûrement d’un cas unique dans les annales française. En effet, que les pouvoirs publics créent des démembrements de l’administration par le biais d’associations fictives selon la loi de 1901 est hélas monnaie courante. Qu’un ministère choisisse d' intervenir dans le secteur privé en créant 34 sociétés à responsabilité limitée ou sociétés anonymes en apparence privées, et cela en dehors de tout cadre légal est sans doute sans aucun équivalent.

Chaque CDN dispose d'un théâtre et d'une équipe permanente.

Les Centres dramatiques nationaux sont dirigés soit par un artiste directement concerné par la scène, acteur, metteur en scène, auteur, dramaturge, scénographe, soit par un administrateur ou un animateur en codirection avec un artiste. Cette seconde solution vise notamment à permettre à un artiste éventuellement interdit de diriger une entreprise commerciale pour cause de faillite d’assurer quand même la direction d’un tel centre. L’article 1er du contrat-type de décentralisation dramatique énonce qu’en assumant la charge d’un centre dramatique national, le directeur s’engage à remplir une mission de création théâtrale dramatique d’intérêt public. Nous sommes donc bien dans un cadre de délégation de service public. Le contrat-type énonce que l’installation du centre dans un lieu doté des moyens indispensables à son fonctionnement est un préalable à l’exécution de la mission du directeur. L’article 20 du contrat-type prévoit que pour mieux établir l’implantation du centre, la direction du théâtre et des spectacles s’efforcera d’assurer au directeur l’utilisation privilégiée d’une salle de spectacles et de locaux annexes.

L’article 2 du contrat-type énonce que le directeur remplira sa mission par l’intermédiaire d’une société à responsabilité limitée ou d’une société anonyme qui est cosignataire du contrat avec le directeur. Les statuts de ces sociétés doivent être agréés par le ministère de la culture.

En contrepartie du " risque " commercial pris par le directeur, la direction du théâtre et des spectacles s’efforcera d’obtenir des collectivités territoriales des subventions de fonctionnement et d’investissement, le directeur devant s’associer à ces démarches (article 20).

La gestion de ces sociétés commerciales " privées " est également directement contrôlée par le ministère puisque l’article 21 énonce que, avant son embauche, l’administrateur choisi par le directeur du centre devra obtenir l’agrément de la direction du Théâtre et des spectacles. On ne laisse rien au hasard.
Les conventions conclues par les centres avec les collectivités territoriales ou avec toute autre personne morale doivent également être soumises à l’approbation du ministère de la culture. Même les contrats de coproduction avec des théâtres privés doivent être soumis pour avis avant signature à la direction du théâtre et des spectacles. Roger PLANCHON vient ainsi de se faire retirer deux millions de francs de subventions pour avoir conclu un contrat de coproduction avec un théâtre privé sans autorisation. Toute acquisition ou aliénation immobilière ne peut de même être effectuée qu’avec l’autorisation expresse du ministère. Le budget prévisionnel du théâtre doit également être approuvé avant le 31 décembre par le ministère.

L’article 34 du contrat-type prévoit l’attribution d’une subvention annuelle de fonctionnement et son montant minimum. Pour mener à bien son projet artistique, le contrat-type prévoit que le directeur doit engager des artistes-interprètes pour une durée d’au moins six mois. L’article 8 prévoit cependant que la durée d’engagement des artistes n’excédera pas le terme du contrat du directeur. Cette disposition est totalement en contradiction avec les dispositions du Code du travail sur l’embauche des salariés au moyen de contrats à durée déterminée.

Le contrat-type ne tient pas compte du fait que l’article L.122-1 du Code du travail énonce que le contrat à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Hormis le cas où l’artiste est engagé pour une ou plusieurs créations préalablement déterminées, ces contrats risquent donc d’être systématiquement requalifiables en contrats de travail à durée indéterminée.

Cela a pour conséquence de permettre aux artistes et personnels techniques et administratifs de percevoir des indemnités de licenciement lors du départ du directeur du centre à la fin de son contrat, et cela même si, dans la pratique, comme c’est souvent le cas, le directeur qui part réengage son équipe administrative et technique dans le cadre de sa nouvelle affectation.
Le ministre de la culture n’oublie pas vraiment qu’il n’a pas compétence en droit du travail puisque l’article 42 du contrat-type prévoit ce problème et énonce que le directeur doit ouvrir dans le budget prévisionnel de son dernier exercice une provision destinée à contribuer, le cas échéant, à la sauvegarde des intérêts du personnel artistique bénéficiaire de contrat à durée indéterminée. Belle image pour désigner les indemnités de licenciement. Cette pratique n’est d’ailleurs plus légale.

La transmission des Centres dramatiques nationaux


Lorsque le contrat du directeur arrive à expiration, l’article 38 énonce que le directeur s’engage à transférer à son successeur, nommé lui aussi dans le cadre d’un contrat conclu avec le ministre de la culture, les biens acquis pendant son mandat. " Cette transmission pourra se faire soit par la cession de tout ou partie des actions de la société, soit par la cession de tout ou partie des actifs sociaux, dans le respect des statuts "... Le directeur nommé par le ministre de la culture rachète les parts de son prédécesseur, pour 1 F ou pour leur valeur nominale (éventuellement avec la subvention que lui a versé le ministère de la culture). Pour les parts des autres associés, il demande à sa mère, son frère, sa femme ou ses amis de racheter les parts de la mère, du frère, de la femme ou des amis de son prédécesseur...

Le directeur qui rachète ainsi les parts ou less actions, et qui n’est pas totalement inconscient, demande systématiquement une vérification de la comptabilité et de l’ampleur des dettes éventuelles laissées par son prédécesseur, le ministère de la culture octroyant alors au passage une subvention permettant de remettre les comptes à flots. Quand les finances du ministère ne permettent pas de réinvestir des fonds, les subventions publiques ne devant en principe pas servir à renflouer des déficits, et le contrôleur financier risquant de refuser le financement, on autorise le directeur à fermer le théâtre pendant le temps nécessaire au renflouement des comptes. La subvention normale de fonctionnement sert alors à remettre les compteurs à zéro, le directeur nouvellement nommé ne commençant à produire des spectacles et à rouvrir sa salle qu’une fois la situation apurée. Bien sûr, le directeur nommé se comporte en salarié et non en chef d’entreprise. Il respecte son cahier des charges en menant ses productions à terme, se verse son salaire quoi qu’il arrive et personne ne lui en veut vraiment s’il laisse des déficits.

On ne peut rêver pire exemple de confusion entre gestion publique et gestion privée et tout cela est publié au Journal officiel...

En plus de leurs subventions publiques, les centres dramatiques " nationaux " ont largement recours à du personnel artistique et technique embauché sous contrat à durée déterminée qui relève entre deux spectacles du régime des ASSEDIC spécifique au spectacle (les intermittents). On comprend que le CNPF s’étonne.
Bien entendu, le directeur qui est officiellement responsable d’une entreprise commerciale ne prend pas grand risque puisque l’article 15 du contrat-type énonce que la société cosignataire du contrat avec le directeur et le ministre s’engage à verser au directeur une rémunération globale " fixée selon les règles des sociétés commerciales ". Le montant de cette rémunération doit être communiqué à la direction du théâtre et des spectacles. Le ministère semble encadrer cette rémunération puisqu’il est prévu que le total des rémunération tirées de ses activités extérieures ne peut représenter plus de 50% de sa rémunération annuelle convenue avec le centre. Le contrat-type prend toutefois soin de prévoir que les droits d’auteur n’entrent pas dans ce calcul. En effet, le directeur-auteur qui produit ses propres spectacles perçoit des droits d’auteur dont le taux est éventuellement laissé à son appréciation puisqu’il s’agit d’une discussion contractuelle privée entre le centre dramatique et le directeur-auteur. Ces dispositions relatives aux rémunérations et au droit d’auteur sont en totale contradiction avec les principes de rémunération de la fonction publique dont relève à notre avis le personnel des CDN, qui pourraient à notre avis être qualifiés de sociétéss transparentes, par analogie avec la position du Conseil d'État en matière d’association transparente.

Les sanctions judiciaires possibles

Les ministres et les directeurs du Théâtre et des spectacles qui signent de tels contrats nous semblent d’abord être passibles des sanctions liées à la gestion de fait, avec toutes les conséquences civiles liées à l’analyse des comptes, leur réintégration dans la comptabilité publique et les obligations éventuelles de remboursement qui y sont attachées.

Sur le plan civil, la prescription est de trente ans. S’ils ont signé en connaissance de cause des conventions avec des centres dramatiques nationaux, ces ministres sont donc passibles de la gestion de fait et pourraient être poursuivis devant la Haute Cour de justice.

Jack LANG, François LÉOTARD, Jacques TOUBON, Philippe DOUSTE-BLAZY et éventuellement Catherine TRAUTMAN si cette dernière a déjà signé de telles conventions, sont donc passibles des sanctions civiles de la gestion de fait.

Les directeurs des théâtres et des spectacles de ces trente dernières années pourraient être également passibles de gestion de fait. Il s’agit de Dominique WALLON, Jacques BAILLON, Alain VAN DER MALLIERE, Bernard FAIVRE d’ARCIER, Bernard DORT, Robert ABIRACHED, Jean-Pierre ANGREMY,...

D’ailleurs, jusqu’en 1979, les directeurs étaient " directeurs des théâtres et des maisons de la culture ". Ce n’est qu’à partir de 1979 que l’on a commencé à s’occuper en général " du " théâtre.

Les élus responsables des conseils régionaux, conseils généraux et communes qui financent ces centres dramatiques nationaux ou leur fournissent des locaux, nous semblent également passibles de gestion de fait dans les mêmes conditions.
Il pourrait de plus y avoir infractions aux règles de la concurrence et des prix, infractions sur les prix anormalement bas, etc...

Bien entendu, cette analyse sur la gestion de fait est relativement unique puisqu'en principe, quand l'administra-tion entend opérer un démembrement et créer une structure juridique de droit privé, elle choisit l'association. Il fallait tout de même oser créer des sociétés commerciales fictives pour contourner les règles de la comptabilité publique et de la fonction publique.

Dans l'hypothèse où cette analyse sur la gestion de fait ne serait pas retenue par les tribunaux et que ces sociétés pourraient être reconnues comme ayant une existence autonome, ce qui est tout de même démenti par les faits, il n'existe aucun exemple de directeur qui ait refusé de céder les parts ou les actions d'une telle société (2) à son successeur désigné par le ministre quand ce dernier ne lui a pas renouvelé son contrat. Les responsables de l'État et des collectivités territoriales qui financent ces sociétés et ont conclus avec elles des contrats de délégation de service public sans respecter les règles ayant pour but de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics, nous semblent être passibles des sanctions liées à l’octroi d’avantage injustifié (3) .


Il n’y a en effet jamais eu d’appel d’offres permettant à n’importe quelle société de postuler. Les CDN ont la plupart du temps la concession d’un lieu, sans aucune délégation de service public, ni mise en concurrence, ni transparence.

Pourraient en conséquence encourir ces sanctions les personnalités politiques suivantes, outre les ministres et les directeurs du Théâtre et des spectacles de ces trois dernières années :

(...)

Par ailleurs, les directeurs et administrateurs des Centres Dramatiques Nationaux qui gèrent des fonds publics sans titre pourraient être passibles des sanctions liées à l'infraction d'usurpation de fonction publique, à la gestion de fait et au recels. Sont concernés :

(...) dans l'édition originale, les noms des personnes concernées sont mentionnées.

(1) Sur l’ensemble des directeurs, on compte 38 metteurs en scènes, 5 anciens programmateurs et un ancien producteur.

(2) La totalité du capital est à chaque fois cédée au directeur, et à sa famille ou amis proches. Ces parts ne lui appartiennent pas, le véritable propriétaire en est le ministre. Un de mes amis administrateur d'un CDN m'a dit qu’après six années, il n'avait pas réussi à savoir qui avait versé les 250 000 F de capital.

(3) L’article 432-14 du nouveau code pénal sanctionne ces faits de deux ans d’emprisonnement et de30 000 Euros d’amende et d’éventuelles peines complémentaires de retrait des droits civiques et d’interdiction d’exercice d’une fonction publique.

 
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