Avant qu'il ne devienne une association en 1981, le corps
de ballet, créé en 1972, était un service
communal, rattaché à l'Opéra.
Les deux tiers des recettes du ballet (1)
ont été assurées, en moyenne sur la
période, par les collectivités publiques.
Pendant la période examinée, les recettes
publiques du ballet ont dépassé 130 MF TTC.
Les collectivités les plus généreuses
furent l'État et la Ville, qui versèrent environ
50 MF chacune (2). La parité
qui existait entre ces deux collectivités a été
rompue par la ville en 1992, qui a réduit de 2 MF
la subvention qu'elle accordait jusque là, ce qui
explique en partie le résultat fortement déficitaire
(1,7 MF) de cet exercice. Depuis cette année là,
la ville met des locaux neufs, situés près
du parc du château Borely, à la disposition
du ballet et de l'école nationale de danse.
La région et le département participent, à
un degré moindre, au fonctionnement du ballet. La
région a réduit son aide, qui est passée
de 3 MF par an avant 1992 à moins de 2 MF. Le département
ne participe qu'à hauteur de 0,8 MF par an, ce qui
peut apparaître faible, eu égard à l'attractivité
des représentations données à Marseille
sur les habitants des Bouches du Rhône(3)
.
L'École Nationale Supérieure de Danse (ENSD)
et le ballet, s'ils sont deux entités juridiques
différentes à finalité distincte, sont
intimement imbriqués puisqu'ils partagent les mêmes
locaux, ont une direction et des personnels administratifs
et techniques communs. Ils perçoivent chaque année
10 MF de la ville et figurent ainsi parmi les organismes
les plus aidés par la collectivité. Cet effort
public résulte d'une volonté politique suffisamment
forte pour obtenir un pôle chorégraphique important
en province. " Cet objectif est atteint, mais il exclut
toute aide à d'autres initiatives chorégraphiques,
si tant est qu'elles existent et qu'elles puissent émerger
" (Effectivement, il ny a pratiquement pas de
possibilité dexistence dautres chorégraphes
sur Marseille).
Le ballet doit assurer au moins trois séries de représentations
par an. Pour l'une de ces séries, il y a mise à
disposition gratuite de l'Opéra et de son orchestre.
Une deuxième série est possible à l'Opéra
sans orchestre, après entente avec la direction.
Pour les autres séries, si le lieu appartient à
la ville, la mise à disposition est aussi gratuite.
Dans tous les cas, la totalité des recettes revient
au ballet.
Les mises à disposition gratuites de salles ou de
moyens constituent donc une aide supplémentaire apportée
au ballet.
Si l'attachement des Marseillais pour le ballet n'est pas
contestable, en dehors des représentations données
sur le Vieux Port, les salles ne sont pas remplies, et le
nombre d'invités peut même atteindre la moitié
des entrées pour certains spectacles.
" Assemblée générale et conseil
dadministration ne jouent pas leur rôle. "
Le Conseil dadministration de l'association est composé
des quatorze membres de droit dont la moitié représentent
la commune (4) . Il doit se réunir
au moins deux fois par an. Le maire est président
de droit. MM. DEFERRE, VIGOUROUX et GAUDIN ont donc été
présidents de droit du ballet.
En réalité, les réunions des administrateurs
ne sont pas aussi fréquentes que le prévoient
les statuts. Les conseils d'administration ne se sont tenus
qu'une fois l'an ou ne se sont pas tenus, comme en 1991.
L'Assemblée générale et le bureau ne
sont jamais réunis.
En outre, les conseils ne donnent pas lieu à débats,
qui se tiendraient en amont, comme lindique le ballet
sans toutefois en rapporter des comptes rendus. Rapidement
expédiés, ils respectent un rituel bref et
sans surprise qui se limite, après une présentation
formelle et succincte des comptes, à évoquer
le financement incertain du spectacle donné chaque
année sur le Vieux Port, et à regretter, comme
l'exprime parfois le représentant de la région,
de ne pas voir le ballet se produire davantage dans les
localités provençales.
En dépit de l'importance des aides apportées
au ballet, on ne peut que constater le désintérêt
des collectivités à l'égard de l'association
au plan artistique, mais aussi, au plan de la gestion, qui
n'a jamais été contrôlée. Le
versement des subventions a ainsi acquis un statut de reconduction
automatique d'année en année, les variations
constatées, pour importantes et brutales qu'elles
aient pu être, n'étant pas motivées
de manière explicite et rationnelle.
Le dysfonctionnement des instances collégiales est
en grande partie dû à leur composition. Il
faut reconnaître que la faible disponibilité
des administrateurs ne permet ni de réunir le quorum
exigé, ni de respecter les fréquences de réunion
prévues dans les statuts, ni de consacrer suffisamment
de temps pour débattre.
" L'information donnée aux administrateurs est
insuffisante, parfois inexacte. "
Le rapprochement des prévisions et des réalisations
aurait permis de constater que les résultats des
tournées ne sont pas conformes aux prévisions,
dans lesquelles ils apparaissent en équilibre parfait
(1994 et 1995), ou en excédent (1992 et 1993) alors
quen dehors de l'année 1993, où le résultat
est proche des prévisions, les autres exercices sont
clos avec des résultats de tournée nettement
négatifs puisque, selon les années, les charges
y ont dépassé les recettes de 1 à plus
de 3 MF.
Ces écarts sont dûs soit à des événements
imprévisibles (5), soit à
des estimations parfois trop optimistes, soit encore à
une présentation très incomplète des
spectacles qui doivent se dérouler.
Ainsi, en 1995, seulement 13 tournées sont prévues,
mais plus de 20 sont réalisées. Certains spectacles,
non mentionnés dans le prévisionnel présenté
aux administrateurs, s'avéreront très déficitaires.
C'est le cas en 1994 et 1995 de " Zizi spectacle Gainsbourg
" qui a, en deux ans, cumulé un déficit
de 4 MF, hors amortissement des décors et costumes,
alors que le déficit prévisionnel ne s'établissait
qu'à 2 MF et que la plupart des spectacles donnés,
notamment à Toulon et Marseille, ne figuraient pas
au programme prévu présenté aux administrateurs.
La présentation équilibrée des tournées
peut laisser croire que les subventions publiques ne financent
que les charges communes, et donc pour l'essentiel les frais
de personnel. Les déficits en réalité
constatés sur les spectacles démontrent que
les collectivités financent aussi les tournées.
" Le ballet est apparu globalement bien géré.
Ses comptes sont bien tenus. Ils reflètent des insuffisances
de trésorerie. Leur continuité est faussée
par des changements de pratique. Les recettes propres du
ballet, si elles ne suffisent pas à autofinancer
les spectacles, restent quand même importantes. "
Les comptes du ballet sont bien tenus et reflètent
de manière fidèle la situation financière
de l'association. Les observations que la Chambre émet
dans ce domaine ne les remettent pas en cause, de même
qu'elles ne remettent pas en cause la gestion générale
de l'organisme, assurée avec sérieux.
Près de 4 MF d'insuffisance
de trésorerie fin 1995.
Si le ballet a pu, en fin d'exercice 1995, restaurer ses
capitaux propres en rétablissant un équilibre
qui avait été rompu en 1992, il n'en connaît
pas moins des besoins de trésorerie non satisfaits
qui dépassaient alors 4 MF, soit près de six
mois de charges courantes, hors frais de personnel.
Les insuffisances structurelles de trésorerie sont
aussi aggravées par la perception tardive des subventions
(6).
Les frais financiers qui en découlent, et qui évoluent
(agios : 106 KF en 1992, 213 KF en 1993, 91 KF en 1994,
295 KF en 1995), sont surtout supportés par le ballet,
mais aussi indirectement par l'État et la Ville.
Ils atteignaient le montant de deux emplois en 1995.
Dans ces conditions, il serait de bonne gestion de supprimer
les avances accordées pour raisons personnelles au
directeur artistique (Roland PETIT) qui se situaient en
moyenne autour de 100 KF en 1994, et qui ont, il est vrai,
décru par la suite.
Un chiffre d'affaires conséquent.
Si, comme cela a été souligné, plus
des deux tiers des ressources du ballet sont apportées
par les collectivités publiques, il n'en reste pas
moins que le reste provient de recettes propres, appelées
aussi chiffre d'affaires. Cette proportion est importante,
et évolue favorablement. Elle ne suffit toutefois
pas à couvrir les charges directement affectées
aux spectacles.
Les ventes de spectacles constituent les deux tiers du chiffre
d'affaires, et, pour l'essentiel d'entre elles, les ventes
à l'étranger. Certaines destinations sont
privilégiées, l'Italie notamment. Le plus
souvent, lorsque le spectacle est vendu, le ballets supporte
les frais de déplacement et d'hébergement
(sauf pour les tournées au Japon), ainsi que les
frais de transport des décors. D'une manière
générale, les ventes sont suffisamment bien
négociées pour financer les frais directs,
en dehors de quelques tournées choisies pour le prestige
des salles d'accueil (États-Unis).
Le tiers restant provient des recettes de billetterie, pour
les spectacles produits par le ballet. Ces spectacles se
tiennent à Marseille (Opéra et Vieux Port
le plus souvent), et exceptionnellement ailleurs (Paris
en 1992 et 1995). Les déficits globaux des spectacles
sont à attribuer à quelques spectacles de
cette catégorie, produits par le ballet.
C'est le cas notamment des spectacles donnés chaque
été sur le Vieux Port, dont le déficit,
dû aux importantes installations scéniques,
approche à chaque fois 1 MF. L'effort public se justifie
par les qualités inhérentes au site. Les installations
pourraient certainement être valorisées en
y organisant d'autres spectacles, comme cela a commencé
à être fait en 1996.
" Le principal poste de dépenses
: les frais de personnel. "
Les charges d'exploitation sont particulièrement
rigides, compte-tenu de la part prise par les dépenses
de personnel, qui en représentent 60% environ (autour
de 16 MF par an).
Les effectifs du ballet sont compris entre 60 et 70 selon
les années, dont 40 à 50 danseurs. De nombreux
types de contrats de personnels coexistent. Vingt trois
profils différents sont gérés par la
direction des ressources humaines.
Les personnels administratifs et techniques sont peu nombreux,
ce qui pose des problèmes de continuité de
service en cas d'absences imprévues.
Les danseurs.
La part la plus importante de la masse salariale (un peu
plus de la moitié) concerne les deux corps de ballet.
Le salaire brut mensuel des danseurs est de 8 500 francs
ou 10 000 francs selon le corps d'appartenance. Bloqués
pendant plusieurs années pour des raisons budgétaires,
les salaires du corps de ballet ont été toutefois
augmenté de près de 1 000 francs en 1996.
La situation juridique des danseurs n'est pas satisfaisante.
La majorité d'entre eux est engagée sur des
contrats à durée déterminée
de 11 mois, de mi-août à mi-juillet de l'année
suivante. Ces contrats sont adaptés aux besoins de
l'association : les périodes d'activité correspondent
aux saisons, et, comme le renouvellement n'est pas acquis,
le ballet opère une véritable sélection
qui lui garantit de conserver un niveau technique élevé.
Le non renouvellement du contrat ne lui impose pas de verser
d'indemnités de licenciement, notamment à
la fin de la carrière du danseur, inévitablement
précoce.
Cette situation, si elle satisfait aux spécificités
de l'activité chorégraphique, s'écarte
du droit du travail, fondé sur le principe du contrat
à durée indéterminée. Le contrat
à durée déterminée y est l'exception,
admise dans des cas particuliers, et pour une durée
limitée. Aussi, au regard du droit, il est douteux
que la coupure imposée aux danseurs au mois d'août,
entre deux contrats, suffise à gommer le caractère
quasi permanent de l'activité du ballet. Il n'est
donc pas acquis que la juridiction compétente assimile
les contrats passés à des contrats à
durée déterminée (7).
A contrario, la situation des danseurs ne permet pas non
plus de les considérer comme des intermittents du
spectacle. En définitive, le système actuel,
s'il paraît adapté à l'activité,
risque de ne donner satisfaction à aucune des parties.
A l'activité spécifique du ballet ne correspond
pas un statut particulier de danseurs, lesquels, de plus,
ne bénéficient pas de reconversion organisée.
Le directeur artistique.
En dehors des salaires proprement dits, les dépenses
de personnel comprennent aussi une particularité,
les " feux ", qui ne sont plus servis qu'à
Roland PETIT. Les feux sont des primes versées en
fonction des représentations (8).
Sur la période examinée, ils ont représenté
plus de la moitié de la rémunération
du directeur artistique. Ils lui ont été accordés
en 1972 pour maintenir sa rémunération, car
son salaire était alors limité, du fait de
son statut de contractuel de la ville, puisque le ballet
était un service communal. Ils ont été
maintenus ensuite, bien que le ballet soit devenu un organisme
de droit privé.
Le directeur artistique bénéficie de versements
directs ou indirects à chaque prestation du ballet.
Il en découle un effet cumulatif à partir
d'un répertoire captif : les feux, les droits d'auteur
et éventuellement les cachets d'interprétation
sont perçus par le créateur interprète
lorsque le ballet qu'il dirige se produit, sachant qu'il
ne se produit que sur les uvres qu'il a créées,
grâce au support matériel de la collectivité.
" Les dépenses de publicité
et de déplacements représentent une part importante
des charges de l'organisme. "
Les frais de communication sont variables, selon les productions
réalisées dans l'année. Le poste est
important, approchant 3 MF en 1992.
Il a été relevé que, dans ce domaine,
le ballet a eu un prestataire exclusif pour les spectacles
qu'il a produits de 1991 à 1993 à Marseille,
mais aussi à Paris en 1992. Ces prestations représentent
des montants substantiels, notamment en 1992 avec 2,5 MF,
qui incluent des honoraires de coordination compris entre
50 000 F et 70 000 F par opération.
Les prix facturés par le prestataire sont apparus
élevés par rapport aux prix que le ballet
obtient depuis sur des prestations identiques : les affiches
40 x 60, par exemple, coûtaient deux fois plus cher
et il nest pas démontré par le ballet,
comme il laffirme, que le prix de ce type de prestations
ait depuis baissé substantiellement.
De plus, les honoraires de coordination servis à
ce prestataire semblent faire double emploi avec la fonction
de communication qui venait d'être créée
au ballet (9). Enfin, l'action de
la société n'a pas apporté de résultats
positifs, à en juger par les recettes encaissées
pendant ses années d'exercice.
Les frais de déplacements,
d'hôtellerie et de réceptions
" Dix pour cent des frais concernent les seuls directeurs
administratif et artistique dont les postes locations de
véhicules, voyages et déplacements, missions
et réceptions et frais d'hôtel ont atteint
2,2 MF sur la période examinée. "
En outre, il a été relevé que de nombreuses
dépenses concernaient la prise en charge de personnels
extérieurs aux ballets. Ceci est compréhensible
(bien que non prévu dans les contrats) pour les créateurs
qui ont participé à l'élaboration de
spectacles (décorateurs, couturiers). Cela l'est
moins pour ce qui concerne les journalistes, dont nombre
de déplacements et hébergements sont pris
en charge par le ballet. Cette pratique, certes courante,
permet d'avoir une couverture médiatique efficace,
assurée à moindre frais (10).
Mais elle autorise aussi le doute sur l'objectivité
des articles de presse rédigés par ces critiques.
La rémunération de Roland PETIT.
Il perçoit, outre un salaire de directeur artistique
de 35 000 F par mois, 160 feux, soit environ 90 x 9 958
francs pour une représentation en dehors des Bouches
du Rhône, 80 x 4 979 francs pour une représentation
locale, ce qui fait déjà 420 000 F + 799 664
F + 398 320 F = 1 617 984 F.
De plus, il doit percevoir au titre des droits dauteur,
dont le montant sélève à environ
10 % des recettes ou du budget des spectacles. Si lon
compte 6 000 F par spectacle, ce qui est sans doute très
faible, cela fait encore 960 000 F par an à ce titre.
A cela sajoutent les droits audiovisuels liés
aux passages télé des ballets qui font régulièrement
lobjet de captation et les frais professionnels qui
atteignent des montants très conséquents.
Roland PETIT doit avoir des revenus directement dépendants
de son activité de directeur du ballet de lordre
de 3,5 à 4 MF par an. Roland PETIT a par ailleurs
dautres activités en tant que chorégraphe
invité par dautres compagnies. Il fait également
des publicités et des programmes audiovisuels. Il
convient par ailleurs de ne pas oublier que Roland PETIT
est aussi responsable de lÉcole de Danse de
Marseille, et il semblerait que le personnel du CCN perçoive
également un salaire au titre de la direction et
de la gestion de cette école.
Afin de mieux comprendre le contexte, voici les réactions
(11) de Christophe MELY, responsable
des relations publiques du ballet, et de Jean POCHOY, administrateur
général actuel.
Christophe MELY, vous êtes responsable
des relations publiques du ballet national de Marseille,
pouvez-vous nous donner plus de détail sur le départ
de Roland PETIT ?
" Roland PETIT a quitté le ballet en tant que
directeur artistique, mais il reste en tant que chorégraphe.
Il va continuer à travailler avec le ballet de Marseille.
Il a simplement souhaité être un peu moins
présent et prendre du recul. Le bureau va choisir,
avec son accord, son successeur. "
Roland PETIT reste donc assez présent
au sein du ballet national de Marseille.
" Roland PETIT a son mot à dire, car il laisse
son répertoire à la disposition du ballet
national de Marseille " à condition quil
puisse sentendre avec le futur directeur artistique
". On continuera donc à jouer ses chorégraphies,
et Roland PETIT continuera à créer. Sa prochaine
création, Le lac des cygnes , est dailleurs
prévue pour le mois de mars. "
Ndla : Dans ces beaux montages
pensés et mis en uvres par les spécialistes
du ministère de la culture, il nexiste bien
entendu aucune cession de droits concernant les spectacles
créés par Roland PETIT et lassociation.
Ainsi que nous lavons vu dans le premier chapitre
de cet ouvrage, les droits dauteur créés
par un fonctionnaire dans le cadre dune mission de
service public avec les moyens du service public devraient
en principe appartenir à la collectivité publique.
Lassociation " ballet national de Marseille "
pouvant être à notre avis qualifiée
de transparente, il sagit en fait dun démembrement
de ladministration, Roland PETIT devrait en conséquence
être assimilé à un fonctionnaire et
ne pas avoir de droits sur les uvres créées
dans le cadre de la mission de service public du ballet,
du moins pour les exploitations liées à sa
mission de service public.
Ce départ pèse très
lourd dans la redéfinition dune politique de
danse dans la région Provence-Alpes-Côte dAzur,
jusque-là très liée financièrement
et artistiquement au chorégraphe. Depuis sa démission,
les réactions sont assez vives et les gens ont du
mal à comprendre la situation .
" Marseille est une ville qui aime bien colporter les
bruits. Roland PETIT est un personnage notoire de la ville
et lorsquil est parti, beaucoup de gens qui ne le
portaient pas dans leur coeur, ont fait circuler des bruits
totalement faux. Moi, je suis responsable des relations
publiques, je ne communique que les discours officiels que
lon veut bien me dire. Alors la vérité
qui est en haut lieu ! Moi ce que lon me dit, je le
prends pour argent comptant, et je communique ainsi. La
vie continue ici malgré le départ de Roland
PETIT. On travaille toujours avec lui, mais plus en tant
que directeur artistique. Mais il na vraiment aucun
problème, ou alors il cache bien son jeu. Ce nest
pas un homme qui, comme on la dit à Marseille,
est ruiné ! "
Cest le moins que lon
puisse dire, étant donné quil est devenu
résident fiscal genevois !
" Personne nest dupe. Il part en Suisse, tout
le monde sait à peu près pourquoi. Au delà
de cela, il continue à travailler avec le ballet
national de Marseille et à faire des chorégraphies.
"
Jean POCHOY, en tant quadministrateur général
du ballet, pouvez-vous nous expliquer pourquoi Roland PETIT
avait un statut à part au sein du ballet ? Il était
en particulier le seul à pouvoir toucher des feux
!
" Lorsquil est arrivé à Marseille
en 1972, Roland PETIT a créé le ballet de
Marseille. Gaston DEFFERRE était alors maire de la
ville. Roland PETIT était lui déjà
très connu dans le monde. Il a donc dit à
Gaston DEFFERRE, " je veux bien vous créer une
compagnie ici, mais je suis conscient que vous ne pouvez
pas payer le salaire que je touche actuellement à
travers le monde ". Donc, ils sont tombés daccord
sur un principe de rémunération qui était
un salaire de base qui lui permettait de se loger, de prendre
en charge ses frais courants de vie, et un système
de feux qui était corollaire au nombre de représentations
dont le montant était payé par les organisateurs
de spectacles. Et non pas par la ville et lÉtat.
Ce système est resté. (ndla : Roland PETIT
est le seul à en profiter au sein du ballet national
de Marseille). "
Roland Petit cumule donc son salaire,
les feux ainsi que des droits dauteur ?
" Il avait toujours son salaire de base (de 35 000
F) en temps que directeur artistique et ses feux en tant
que chorégraphe. "
En moyenne, combien de représentations
donnez-vous ?
" Notre compagnie donne entre 80 et 160 représentations
par an, car, nous sommes une compagnie itinérante.
Nous navons pas de théâtre à Marseille.
"
Comment interprétez-vous le fait quil y ait
eu deux démissions, puis un rapport de la Chambre
régionale des comptes ?
" Cest vrai que dernièrement, il y a eu
trois événements importants. La démission
du maire, en tant que président, démission
qui na absolument rien à voir avec le départ
de Roland PETIT.
Ensuite, il y a eu un rapport de la Chambre régionale
des comptes. Si vous en avez eu connaissance, il est plutôt
positif. On est bien géré, il ny a pas
de problèmes. Bon, évidement il y a des petits
problèmes " normaux ". Le départ
de Roland PETIT na absolument rien à voir non
plus, avec le rapport de la Chambre des comptes. Cest
une coïncidence ! Il ny a pas de lien entre tout
cela. Je ne vous cache pas que sil y en avait un,
cest ma démission qui serait donnée.
Car la gestion pure et administrative cest moi qui
en suis responsable, ce nest pas Roland PETIT. "
On apprend dans le rapport de la Chambre
régionale des comptes que les administrateurs nétaient
pas toujours au courant des tournées prévues.
Pourquoi ?
" Lorsque lon fait le budget dune compagnie
itinérante comme la nôtre, on ne connaît
jamais le planning exact. De plus pendant des années,
les conseils dadministration se déroulaient
dans le bureau du maire, à la mairie de Marseille.
Vous connaissez les agendas des maires, surtout de Marseille,
le conseil dadministration durait à peu près
de un quart dheure à vingt minutes. Cela allait
très vite ! "
Quels sont les projets de Roland PETIT ?
" Roland Petit a des milliards de propositions ! On
lui a proposé lOpéra de Paris, la Scala
de Milan... Il a tout refusé. Car quitter Marseille
pour une autre compagnie ne lintéressait pas,
il est mieux ici. Par contre, il veut faire des films sur
des danseurs. Donc il a souhaité quitter ses fonctions
de directeur artistique, mais rester en tant que chorégraphe.
Ceci afin davoir plus de temps de libre.
(1) Les ressources totales du ballet
national de Marseille sont égales à 30 MF
par an en moyenne, 20 MF de subventions, 10 MF de recettes
propres.
(2) Soit 8 MF par an.
(3)
Pour les représentations données à
Marseille, un spectateur sur trois est domicilié
dans le département hors Marseille (donnée
issue de l'exploitation de la billetterie de juillet 1993
à mars 1996).
(4) Les autres membres proviennent
de l'État (4) et de la Région (3)
(5)
C'est le cas en 1992 où la non conformité
des tribunes installées au Vieux Port obligea au
dernier moment à déplacer le spectacle à
l'Opéra. Les charges supplémentaires et les
annulations de places occasionnées par cet imprévu
ne suffisent toutefois pas expliquer la totalité
de l'écart entre le déficit prévisionnel
(1,1 MF) et le déficit réalisé (2,5
MF).
(6)
Chacun des exercices s'est clos avec des reliquats importants
de subventions restant à percevoir. Les collectivités
se sont parfois acquittées assez rapidement de leurs
dettes, c'est-à-dire en début d'année
suivante, mais parfois aussi bien après : ce n'est
qu'en juin 1994 et juin 1995 que la région a versé
respectivement 2 MF au titre de 1993 et 1,8 MF au titre
de 1994 ; le département reste à devoir 1,6
MF fin 1995 au titre de l'année courante mais aussi
de 1994.
(7)
La jurisprudence sur ce point est constante, cette pratique
est contraire au droit du travail. Dans un tel cas, les
danseurs peuvent systématiquement faire requalifier
leur contrat en contrat de travail à durée
indéterminée et considérer leur fin
de contrat comme un licenciement sans respect des formes
et sans cause réelle et sérieuse.
(8)
Pour 1995, les feux sont de 9 958 francs pour une représentation
en dehors des Bouches du Rhône et de la moitié,
soit 4 979 francs, pour une représentation locale
dans le département (montants bruts soumis à
cotisation).
(9)
Les mécanismes de surfacturation des affiches et
dépenses de communication permettent parfois à
un imprimeur de constituer une cagnotte dont pourra bénéficier
un organisme, par exemple un parti politique, pour le compte
duquel limprimeur réalisera ensuite des travaux
qui ne feront lobjet daucune facturation. Rien
de tel na été prouvé pour le
cas de Marseille.
(10)Réponse
angélique du ballet aux observations provisoires
: " le système journalistique français
ne permet pas aux critiques de danse d'obtenir leurs voyages
et leurs hôtels payés par leur journal. De
ce fait le ballet, comme toute institution en France et
en Europe, se trouve confronté à la nécessité
d'un certain nombre de frais, faute de quoi le journaliste
ne peut se rendre sur le lieu du spectacle et de ce fait
ne peut assurer aucune couverture médiatique du spectacle
".
(11)
Propos recueillis par Wilfrid ESTEVE.
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