Dans quelles conditions cette association
" Centre National de la Bande Dessinée "
a-t-elle été créée et quels
sont ses moyens d'existence ?
" Ce centre faisait partie des grands projets culturels
du Président François MITTERRAND. Ce projet
fut signé au niveau architectural par Roland CASTRO,
et le bâtiment fut inauguré en janvier 1990.
Le Centre national de la bande dessinée reçoit
une importante aide de l'État sous la forme de 5,2
MF de subventions de la part du ministère de la culture
via la délégation aux arts plastiques. La
région Poitou-Charentes nous donne 850 000 F, le
Conseil Général de Charentes au titre de la
déclinaison image verse une subvention de 3,5 MF,
une somme elle aussi très importante tandis que la
ville d'Angoulême participe à hauteur de 2
MF et met à notre disposition le bâtiment qui
est lui même largement financé par l'État.
De plus un syndicat mixte d'agglomération nous délivre
une aide de 400 000 F. Quant à nous, nous dégageons
un fonds de recettes propres de 4 MF, essentiellement sur
nos productions audiovisuelles, nos publications et les
droits d'entrée. "
Il nous semble que vis
à vis de vos anciennes fonctions de directeur du
Centre national du livre, vous soyez en situation de pantouflage.
Qu'en pensez vous ?
" Le pantouflage est relatif, puisque je suis en disponibilité
et que pour passer de patron du Centre national du livre,
une grande institution qui est elle-même un établissement
public extérieur, à directeur du Centre national
de la bande dessinée, j'ai été détaché
du ministère de la culture. La commission de déontologie
s'est d'ailleurs prononcée sur mon cas (1).
Et de toute manière, je suis en disponibilité
et ne suis donc pas prêté par l'administration.
Je ne bénéficie d'aucun avantage de carrière
du côté administratif. Je suis sous un statut
de droit privé, j'aurais pu être détaché,
mais ce n'est pas le cas... "
La conversation est coupée
à ce moment, il est probable que Monsieur DELCOQUE
FOURCAUD en ait profité pour se renseigner et appeler
son avocat. Le lendemain matin, Monsieur DELCOQUE-FOURCAUD
me rappelle, nettement plus calme et serein que la veille.
" Je vous disais que je ne crois pas que ce soit le
statut personnel qui pose un problème. En ce qui
me concerne je suis passé par tout le processus juridique
de cette particularité qu'est la libre disponibilité
qui est elle-même au coeur du droit de la fonction
publique. "
Pourtant il semble que le statut d'association
loi 1901 et la loi sur le pantouflage renforcée en
1995 posent des problèmes d'ordre juridique.
" Les problèmes que cela pose souvent. Il y
a eu un cas célèbre, qui ne concernait pas
la culture, ni une association puisque le futur ou l'actuel
directeur général des impôts n'a pas
pu rester au Crédit Foncier de France. Le problème,
c'est le lien préexistant entre les fonctions d'un
fonctionnaire qui pantoufle dans un établissement
qu'il a appris à connaître, à aider.
En ce qui concerne le CNBD, le Centre national du livre
n'aidait pas cette structure. Entre nous, il se trouve que
moi j'ai réussi à me faire aider, mais sur
des sommes tout à fait dérisoires par rapport
au budget. J'ai fait triompher l'idée que comme nous
avions une librairie, une bibliothèque de la bande
dessinée, nous avions droit comme n'importe quelle
bibliothèque au crédit d'achat de livres,
dans le cadre de critères précis objectifs,
distribués par le Centre national du livre. Chose
que je ne faisais pas lorsque j'étais secrétaire
général du CNL. La raison fondamentale pour
laquelle le CNBD n'avait pas les subventions de la part
de la commission bibliothèque du CNL à l'époque,
est que simplement personne ne les demandait.
Pour le reste le CNBD relève de la délégation
aux arts plastiques du ministère de la culture, et
non du Centre national du livre. "
Vous ne pensez pas que lorsqu'une
structure sous association loi 1901, prend de l'ampleur,
ce statut ne se justifie plus ?
" Je suis tout à fait de votre avis. Nous avons
d'ailleurs un contrôle de la Cour des Comptes qui
est en cours. La phase de contrôle étant terminée,
on a eu une discussion là-dessus avec la rapporteuse
qui précisément enquêtait sur les associations
subventionnées par le ministère de la culture
et sur les particularités liées à ce
statut.
Alors sinon qu'est ce que l'on fait ? Pour le moment il
n'y a pas de véritable statut d'établissement
public pour ce type d'organisme, autre que national. On
ne peut pas faire un syndicat mixte, les structures locales,
car ce qui est intéressant ce sont les alternatives,
alors si l'on met de côté la société
commerciale, vous l'admettrez, cela ne serait pas mieux!
Qu'est ce qu'on pourrait faire. On ne peut pas faire de
syndicats mixtes qui sont conçus pour laménagement
urbain, l'eau... etc. qui sont extrêmement fréquents
dans la vie territoriale. La loi actuelle réserve
cette formule aux collectivités territoriales auxquelles
peuvent s'agglomérer des établissements publics
territoriaux. "
Pour l'association qui dirige le festival
de la bande dessinée, vu l'ampleur, on aurait pu
changer de statut ? On aurait pu ainsi avoir recours à
une société privée ?
" Effectivement, le choix pour le festival ce pourrait
être aussi un régime de droit commercial. Mais
il faudrait commencer par poser la question au festival
de Cannes dont le budget est quand même au moins cinq
fois supérieur à celui de la bande dessinée
(2). Si vous voulez, l'association n'est pas un mal
en soi , c'est pas le diable !!! C'est quoi une association,
c'est une personne morale de droit privé mais qui
ne fait pas de bénéfices (3).
Il n'y a pas de fonctionnaires en tant que tels à
la direction du festival international de la bande dessinée
; et il n'y a aucune raison qu'il y en ait. Par ailleurs
le festival reçoit des subventions.
Alors maintenant, vous avez un troisième type d'associations
et c'est celles-là qui ont été abondamment
poursuivies. C'est parce que l'État ou un démembrement,
une unité de l'État, par exemple un ministère,
veut créer quelque chose, ce qui peut d'ailleurs
avoir un but tout à fait intéressant et ne
veut pas créer d'entrée une structure lourde
qui serait un établissement public administratif
ou industriel et commercial, ou un syndicat mixte. Ce qui
est beaucoup plus facile à créer mais là,
il n'y a pas dÉtat. Au départ on peut
l'admettre, ils vont faire une association de préfiguration.
C'est comme cela que l'on commence. Cela permet d'avoir
une personnalité morale, d'avoir un carnet de chèque
et d'exister. L'Opéra Bastille à commencé
comme association de préfiguration, la bibliothèque
nationale de France aussi, on n'en est plus là. Et
dans certains cas pour telle ou telle raison le statut n'évolue
pas. C'est le cas du CNBD, certes on n'est pas là
pour faire des bénéfices même si il
on en fait ponctuellement... L'évolution du statut,
il y a un problème, notamment la Cour des Comptes
fustige les associations et leur caractère plus ou
moins hétérodoxe surtout lorsqu'elles finissent
par ne pas faire ce pour quoi elles sont faites. Soit en
conduisant une opération très particulière
à but non lucratif de type festival. C'est le cas
du CNBD et du festival qui devrait devenir un établissement
public et national. Et alors là vous avez une hostilité
farouche des tutelles et notamment du ministère des
finances. Parce qu'une association cela peut se dissoudre
ou s'étouffer dans l'oeuf, on peut lui couper le
téléphone !!! J'ai d'ailleurs écrit
au ministre, et cela en 1995, sur ce problème. "
(fin de linterview)
Sil est certainement vrai que dans le cadre de ses
anciennes fonctions de secrétaire général
du Centre national du livre, Monsieur Marc DELOCQUE-FOURCAUD
nest jamais intervenu dans le domaine de la bande
dessinée, ce que nous navons pas pu vérifier,
il nen est pas moins vrai que la bande dessinée
fait partie des secteurs pour lesquels le Centre national
du livre existe, a été créé
et était en mesure dintervenir.
(1)
Cela semble faux puisque la commission de déontologie
n'existait pas à cette époque.
(2) La plupart des personnes que nous
avons interrogé semblent ainsi considérer
que leur meilleure défense est de montrer lampleur
du phénomène et de dénoncer les copains
qui sont dans le même cas queux.
(3) Cela est totalement faux, l'article
1er de la loi de 1901 précise que lassociation
peut faire des bénéfices, par contre elle
ne doit pas avoir été créée
dans le but de répartir des bénéfices
entre les associés.
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