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Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique
  
Annexe 6 - 4.
Interview de André-Marc
DELCOQUE-FOURCAUD


Dans quelles conditions cette association " Centre National de la Bande Dessinée " a-t-elle été créée et quels sont ses moyens d'existence ?

" Ce centre faisait partie des grands projets culturels du Président François MITTERRAND. Ce projet fut signé au niveau architectural par Roland CASTRO, et le bâtiment fut inauguré en janvier 1990. Le Centre national de la bande dessinée reçoit une importante aide de l'État sous la forme de 5,2 MF de subventions de la part du ministère de la culture via la délégation aux arts plastiques. La région Poitou-Charentes nous donne 850 000 F, le Conseil Général de Charentes au titre de la déclinaison image verse une subvention de 3,5 MF, une somme elle aussi très importante tandis que la ville d'Angoulême participe à hauteur de 2 MF et met à notre disposition le bâtiment qui est lui même largement financé par l'État. De plus un syndicat mixte d'agglomération nous délivre une aide de 400 000 F. Quant à nous, nous dégageons un fonds de recettes propres de 4 MF, essentiellement sur nos productions audiovisuelles, nos publications et les droits d'entrée. "

Il nous semble que vis à vis de vos anciennes fonctions de directeur du Centre national du livre, vous soyez en situation de pantouflage. Qu'en pensez vous ?

" Le pantouflage est relatif, puisque je suis en disponibilité et que pour passer de patron du Centre national du livre, une grande institution qui est elle-même un établissement public extérieur, à directeur du Centre national de la bande dessinée, j'ai été détaché du ministère de la culture. La commission de déontologie s'est d'ailleurs prononcée sur mon cas (1). Et de toute manière, je suis en disponibilité et ne suis donc pas prêté par l'administration. Je ne bénéficie d'aucun avantage de carrière du côté administratif. Je suis sous un statut de droit privé, j'aurais pu être détaché, mais ce n'est pas le cas... "

La conversation est coupée à ce moment, il est probable que Monsieur DELCOQUE FOURCAUD en ait profité pour se renseigner et appeler son avocat. Le lendemain matin, Monsieur DELCOQUE-FOURCAUD me rappelle, nettement plus calme et serein que la veille.

" Je vous disais que je ne crois pas que ce soit le statut personnel qui pose un problème. En ce qui me concerne je suis passé par tout le processus juridique de cette particularité qu'est la libre disponibilité qui est elle-même au coeur du droit de la fonction publique. "

Pourtant il semble que le statut d'association loi 1901 et la loi sur le pantouflage renforcée en 1995 posent des problèmes d'ordre juridique.

" Les problèmes que cela pose souvent. Il y a eu un cas célèbre, qui ne concernait pas la culture, ni une association puisque le futur ou l'actuel directeur général des impôts n'a pas pu rester au Crédit Foncier de France. Le problème, c'est le lien préexistant entre les fonctions d'un fonctionnaire qui pantoufle dans un établissement qu'il a appris à connaître, à aider. En ce qui concerne le CNBD, le Centre national du livre n'aidait pas cette structure. Entre nous, il se trouve que moi j'ai réussi à me faire aider, mais sur des sommes tout à fait dérisoires par rapport au budget. J'ai fait triompher l'idée que comme nous avions une librairie, une bibliothèque de la bande dessinée, nous avions droit comme n'importe quelle bibliothèque au crédit d'achat de livres, dans le cadre de critères précis objectifs, distribués par le Centre national du livre. Chose que je ne faisais pas lorsque j'étais secrétaire général du CNL. La raison fondamentale pour laquelle le CNBD n'avait pas les subventions de la part de la commission bibliothèque du CNL à l'époque, est que simplement personne ne les demandait.

Pour le reste le CNBD relève de la délégation aux arts plastiques du ministère de la culture, et non du Centre national du livre. "

Vous ne pensez pas que lorsqu'une structure sous association loi 1901, prend de l'ampleur, ce statut ne se justifie plus ?

" Je suis tout à fait de votre avis. Nous avons d'ailleurs un contrôle de la Cour des Comptes qui est en cours. La phase de contrôle étant terminée, on a eu une discussion là-dessus avec la rapporteuse qui précisément enquêtait sur les associations subventionnées par le ministère de la culture et sur les particularités liées à ce statut.

Alors sinon qu'est ce que l'on fait ? Pour le moment il n'y a pas de véritable statut d'établissement public pour ce type d'organisme, autre que national. On ne peut pas faire un syndicat mixte, les structures locales, car ce qui est intéressant ce sont les alternatives, alors si l'on met de côté la société commerciale, vous l'admettrez, cela ne serait pas mieux! Qu'est ce qu'on pourrait faire. On ne peut pas faire de syndicats mixtes qui sont conçus pour l’aménagement urbain, l'eau... etc. qui sont extrêmement fréquents dans la vie territoriale. La loi actuelle réserve cette formule aux collectivités territoriales auxquelles peuvent s'agglomérer des établissements publics territoriaux. "

Pour l'association qui dirige le festival de la bande dessinée, vu l'ampleur, on aurait pu changer de statut ? On aurait pu ainsi avoir recours à une société privée ?

" Effectivement, le choix pour le festival ce pourrait être aussi un régime de droit commercial. Mais il faudrait commencer par poser la question au festival de Cannes dont le budget est quand même au moins cinq fois supérieur à celui de la bande dessinée (2). Si vous voulez, l'association n'est pas un mal en soi , c'est pas le diable !!! C'est quoi une association, c'est une personne morale de droit privé mais qui ne fait pas de bénéfices (3). Il n'y a pas de fonctionnaires en tant que tels à la direction du festival international de la bande dessinée ; et il n'y a aucune raison qu'il y en ait. Par ailleurs le festival reçoit des subventions.

Alors maintenant, vous avez un troisième type d'associations et c'est celles-là qui ont été abondamment poursuivies. C'est parce que l'État ou un démembrement, une unité de l'État, par exemple un ministère, veut créer quelque chose, ce qui peut d'ailleurs avoir un but tout à fait intéressant et ne veut pas créer d'entrée une structure lourde qui serait un établissement public administratif ou industriel et commercial, ou un syndicat mixte. Ce qui est beaucoup plus facile à créer mais là, il n'y a pas d’État. Au départ on peut l'admettre, ils vont faire une association de préfiguration. C'est comme cela que l'on commence. Cela permet d'avoir une personnalité morale, d'avoir un carnet de chèque et d'exister. L'Opéra Bastille à commencé comme association de préfiguration, la bibliothèque nationale de France aussi, on n'en est plus là. Et dans certains cas pour telle ou telle raison le statut n'évolue pas. C'est le cas du CNBD, certes on n'est pas là pour faire des bénéfices même si il on en fait ponctuellement... L'évolution du statut, il y a un problème, notamment la Cour des Comptes fustige les associations et leur caractère plus ou moins hétérodoxe surtout lorsqu'elles finissent par ne pas faire ce pour quoi elles sont faites. Soit en conduisant une opération très particulière à but non lucratif de type festival. C'est le cas du CNBD et du festival qui devrait devenir un établissement public et national. Et alors là vous avez une hostilité farouche des tutelles et notamment du ministère des finances. Parce qu'une association cela peut se dissoudre ou s'étouffer dans l'oeuf, on peut lui couper le téléphone !!! J'ai d'ailleurs écrit au ministre, et cela en 1995, sur ce problème. "
(fin de l’interview)

S’il est certainement vrai que dans le cadre de ses anciennes fonctions de secrétaire général du Centre national du livre, Monsieur Marc DELOCQUE-FOURCAUD n’est jamais intervenu dans le domaine de la bande dessinée, ce que nous n’avons pas pu vérifier, il n’en est pas moins vrai que la bande dessinée fait partie des secteurs pour lesquels le Centre national du livre existe, a été créé et était en mesure d’intervenir.

(1) Cela semble faux puisque la commission de déontologie n'existait pas à cette époque.
(2) La plupart des personnes que nous avons interrogé semblent ainsi considérer que leur meilleure défense est de montrer l’ampleur du phénomène et de dénoncer les copains qui sont dans le même cas qu’eux.
(3) Cela est totalement faux, l'article 1er de la loi de 1901 précise que l’association peut faire des bénéfices, par contre elle ne doit pas avoir été créée dans le but de répartir des bénéfices entre les associés.

 
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