La vie
de Bernard Faivre dArcier se confond depuis une trentaine
d'année avec sa passion pour le théâtre.
Directeur du festival d'Avignon depuis cinq ans, il avait
déjà dirigé ce festival entre 1979
et 1984, et réorganisé à cette occasion
ce grand étendard de la création théâtrale
en France pour en faire une structure juridique autonome.
Entre le ministère de la culture où il siège
trois ans comme directeur du théâtre et des
spectacles et ses fonctions au sein de grandes institutions
telles que l'Unesco ou le CNC, il prend en main le Centre
national du théâtre parallèlement au
festival d'Avignon.
Nous l'avons interrogé sur l'incompatibilité
de ses fonctions avec celles exercées à la
direction du théâtre et des spectacles, et
les problèmes liés aux subventions du ministère
de la culture.
Dans Le Monde du 1er août dernier,
vous souleviez le problème des baisses de subventions
de la part de la municipalité d'Avignon et les problèmes
de déficit de dernière minute, qu'en est-il
aujourd'hui ?
" Chaque année il y a des discussions sur les
budgets car ceux-ci ne sont jamais fixes. Ils ne sont donc
pas reconduits d'année en année notamment
de la part de la ville dAvignon. En 1996 et 1997,
la ville a baissé fortement sa subvention de l'ordre
de 20%. Cette baisse a été dans un premier
temps compensée par le ministère de la culture.
On peut dire que c'est le ministère de la culture
qui a sauvé le festival. Depuis, le ministère
de la culture a fait un effort tandis que la ville est restée
à un niveau bas et n'envisage pas de remonter sa
subvention avant deux ans. Il est donc devenu difficile
d'équilibrer un budget. J'entame depuis le 1er janvier
une nouvelle étape de trois ans et j'aurais aimé
qu'une convention triennale ait été signée
mais il n'en est pas question pour le moment. Le festival
d'Avignon reste donc dans une situation assez précaire
et cette situation aurait pu être dramatique si il
n'y avait pas eu une aide de l'État (1). "
Que pensez vous du statut d'association
loi 1901 adopté par le festival d'Avignon, est ce
un statut qui correspond au festival ?
" Faute de trouver autre chose dans l'arsenal juridique
français, il semble être le meilleur statut.
Tout le monde utilise ce statut dans la culture, c'est le
cas de tous les festivals et le cas de toutes les scènes
nationales. On a le choix entre trois statuts : l'association,
l'établissement public ou la société
privée. On pourrait imaginer qu'un jour le festival
d'Avignon ait un statut d'établissement public.
Mais ce système est un peu lourd, un peu contraignant
et n'offre pas toujours la souplesse nécessaire.
On peut aussi imaginer la création d'un quatrième
statut qui est celui des sociétés sans but
lucratif qui ont parfois été dans les cartons
des ministères mais qui pour l'instant n'a jamais
vu le jour car il faut une loi pour le créer. "
Concernant le statut d'association,
votre rôle de directeur de festival et vos anciennes
fonctions de directeur du théâtre et du spectacle,
il semble qu'il pourrait y avoir un problème de pantouflage.
Qu'en pensez vous ?
" Le pantouflage c'est plutôt pour les secteurs
où l'on gagne de l'argent, où il y a une rémunération,
où il risque d'y avoir des intérêts
croisés. Cela concerne plutôt le ministère
de l'économie et des finances et les inspecteurs
des finances qui assument la tutelle de grandes entreprises.
Cela peut aussi s'appliquer aux fondations et associations,
mais je pense qu'il existe une commission qui veille à
cela et qui regarde quelle est la nature des associations
ou des sociétés. Cela concerne surtout ceux
qui passent d'une tutelle d'une grande banque ou société
d'assurances à une société privée
et qui ensuite vont diriger cette société.
"
Pourtant il semblerait que cela se pose également
dans la culture
" Pour la culture, il n'y a pas tellement de problèmes
de salaires, de prise de participation dans un capital puisque
ce ne sont pas des sociétés privées
mais des associations sans but lucratif (2). Il n' y a pas
de capital, le manager ne devient pas actionnaire d'une
telle entreprise. "
Il n'y a effectivement pas de capital
mais elles sont considérées comme des entreprises
de droit privé
" Oui effectivement on peut examiner cela, mais la
commission de déontologie n'a pas fait de remarque
particulière. La commission n'était pas créée
en 1992. Je crois que la commission de déontologie
s'est saisie d'un certain nombre de cas mais les cas dans
la culture, ce n'est pas cela qui lintéressait
! C'était plutôt dans le secteur de l'économie
et des finances (3). "
Et concernant la possibilité
de pantouflage à votre poste de directeur du festival
d'Avignon ?
"
Non, il aurait fallu que la loi soit rétroactive.
Or, cela n'existe pas dans le droit français une
loi rétroactive (4). La loi de 1995, on sait quels
excès elle veut éviter, cela n'est pas dans
la culture qu'elle va les trouver. Il me semble qu'il n'y
ait aucun exemple qui ai été soulevé
depuis 1995 concernant la culture (5). "
Il semble pourtant que la culture réponde aussi à
ce cas ?
" Je ne vois pas très bien, ou alors cela signifierait
qu'un directeur de la musique ou quelqu'un qui aurait été
directeur de la musique ne pourrait pas devenir responsable
d'un établissement public dans le domaine musical
?
Lorsque l'on est détaché, cest une décision
d'un ministère si au moment de cette décision
concernant un fonctionnaire, le ministère de la fonction
publique saisit la commission de déontologie pour
voir si cela est acceptable ou non. Cela m'est arrivé
deux fois dans ma vie d'être détaché
en étant fonctionnaire au ministère de la
culture et ensuite en travaillant dans un établissement
culturel. Je ne vais pas travailler dans un établissement
agricole !!! C'est évident que je travaille plutôt
dans le secteur culturel. "
La loi semble pourtant restrictive
?
" Je ne sais pas moi, j'ai vu que Mme Anne CHIFFERT
qui était directeur de la musique serait nommée
président du Centre national de la danse qu'elle
avait sous sa tutelle... Je ne connais pas le détail
de cette loi ou la manière dont on le pratique mais
cela me parait curieux ! Ce n'est pas le but de cette loi
dans le domaine de la jeunesse, des sports, des affaires
sociales "
(fin de linterview).
Ce qui est le plus étonnant dans cette interview,
c'est que Monsieur FAIVRE dARCIER nous parle des décisions
du ministère comme si nous avions en face de nous
un commis nommé dans une DRAC de province qui avait
effectivement à subir les décisions des directions
centrales. Il semble oublier que le ministère de
la culture, il l'a très longtemps lui-même
incarné. Nous ne pouvons qu'espérer que son
incompréhension totale des questions juridiques n'est
qu'un faux-semblant...
(1)
Au mois de juillet 1995, nous avons fait un trajet en bus
à Avignon, en plein festival. Le bus urbain contenait
un moniteur vidéo qui présentait les actualités
d'Avignon, et tout ce que l'on pouvait y faire. Il n'y fut
pas question une seule fois du festival. Pour l'immense
majorité des habitants d'Avignon, le festival est
soit un truc de parisiens, soit une affaire financière.
Culture populaire, ou te niches-tu donc ?
(2)
Monsieur FAIVRE d'ARCIER est l'un des " inventeurs
" de cette association sans but lucratif, le problème,
c'est que cette catégorie juridique d'entreprise
n'existe pas... Nous avons ici à faire à un
énarque qui a complètement oublié qu'une
association est une entreprise privée... Les associations
selon la loi de 1901 dans le spectacle sont soumises à
l'impôt sur les sociétés du fait de
leur caractère lucratif.
(3)
Depuis 1995, la commission n'a été saisie
que deux fois dans le secteur culturel, elle a d'ailleurs
rendu deux avis défavorables.
(4)
Contrairement à ce quaffirme Monsieur FAIVRE
dARCIER, certaines lois peuvent être rétroactives.
(5)
Monsieur Faivre d'Arcier ne sait pas qu'il existait des
dispositions pénales contre le pantouflage bien avant
1995 ; ce qui nexiste que depuis 1995, c'est la commission
de déontologie.
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