Cette procédure a pour objet :
- de rétablir les formes comptables en assujettissant
le comptable de fait aux mêmes obligations qu'un comptable
régulier et en l'obligeant à rendre compte
des opérations de recettes et dépenses qui
ne sont pas retracées dans le compte du comptable
de droit. Son compte fera l'objet d'un jugement et sa responsabilité
personnelle et pécuniaire sera mise en cause (débet)
si des opérations ne sont pas appuyées par
des justifications suffisantes ;
- de rétablir les formes budgétaires en faisant
délibérer l'organe ayant le pouvoir d'autoriser
les dépenses ;
- de sanctionner éventuellement le comptable de fait
par une amende pour les irrégularité commises.
La gestion de fait n'est pas une sanction disciplinaire.
Éléments constitutifs
Il existe deux faits générateurs à
la gestion de fait :
L'ingérence dans l'encaissement de recettes publiques
Percevoir des recettes revenant à
un organisme public (une association transparente est un
organisme public) à la place du comptable public
habilité à le faire est constitutif de gestion
de fait.
Ainsi, à titre dexemple :
- les sommes tirées de la location de salles d'un
musée public doivent entrer dans la caisse de ce
dernier et non dans celles d'une association des amis du
musée.
- le supplément perçu sur le prix des billets
d'opéra vendu en " exclusivité "
par une association à loccasion d'une première
aurait dû être encaissé par le théâtre
et non par l'association. L'association est comptable de
fait de ces suppléments.
- une association des amis d'un musée qui encaisse
des dons destinés à ce musée sera également
en gestion de fait.
- lencaissement des recettes dentrée
au musée ou de places de spectacles par une association
transparente.
- lencaissement par une association transparente des
frais de scolarité ou dinscription payés
par les élèves.
En revanche, une association étroitement liée
à un service administratif qui utilise, pour fournir
des prestations qui lui sont rémunérées,
un personnel qui lui est propre et qui occupe des locaux
administratifs qui ont fait l'objet d'une convention et
qui assure en contrepartie la gratuité de certaines
prestations au profit du service administratif n'est pas
dans une situation de gestion de fait. Encore faut-il que
cette convention soit légale.
L'extraction irrégulière de deniers publics
L'extraction irrégulière de
la caisse publique se fait le plus souvent au moyen d'un
mandat fictif : un acte de lautorité de tutelle,
du ministère ou de la collectivité territoriale
qui décide de loctroi des fonds (1) demande
au comptable public de payer une somme à une association,
une société ou un particulier. Ce mandat de
paiement, quoique bien réel, ne correspond pas à
la réalité, ce qui implique le qualificatif
de fictif. C'est le cas du paiement par une collectivité
locale d'un bien qui n'a pas été livré
ou d'un service qui n'a pas été rendu.
Application aux organismes subventionnés
La notion de mandat fictif a été
étendue aux subventions versées par une collectivité
publique, le plus souvent à une association, et qui
restent, en totalité ou en partie, à la disposition
de la collectivité en cause alors qu'elles sont sensées
servir au fonctionnement des organismes qui les perçoivent.
À titre dexemple :
- subvention versée à un organisme dépourvu
de personnalité morale ;
- sommes extraites d'une caisse publique, par une convention
de prestation de service (contrat d'étude par exemple)
avec une association de complaisance qui laisse ou remet
à la disposition de la collectivité publique
des sommes reçues en paiement à la suite de
facturation fictive ;
- sommes versées par une commune à une association
de gestion du théâtre ou au comité des
fêtes mais dont il est convenu que ladjoint
chargé de la culture ou le directeur des services
culturels a la disposition.
Extension aux associations para-administratives
Dans le cas de ces associations, il y a confusion
entre les tâches accomplies par le service administratif
et celles de l'association, souvent créée
par les agents de ce service pour s'affranchir des règles
de la comptabilité publique.
Le juge des comptes s'attache au degré d'autonomie
de l'association. Il doit démontrer, pour déclarer
une gestion de fait, que l'utilisation des fonds mis à
la disposition de l'association para-administrative, par
convention ou par prestation de service, relève en
réalité de la collectivité qui les
lui a versés. La partie prenante n'a en fait aucune
autonomie de décision par rapport à la partie
versante.
Si, au contraire, l'association subventionnée dispose
d'un pouvoir de décision autonome, il n'y a pas de
gestion de fait.
Lassociation administrative présente un certain
nombre " davantages ".
Lassociation para-administrative naura souvent
été fondée que dans le but de saffranchir
des contraintes et des règles de la comptabilité
publique et dengager du personnel sans respecter les
règles de la fonction publique. Ces associations
sont également souvent créées dans
le but de permettre de surpayer des fonctionnaires, ce qui
se doublera souvent du délit de " pantouflage
".
Le fonctionnaire en charge de la tutelle se prépare
sa pantoufle en subventionnant lassociation par laquelle
il se fera ensuite embaucher. Il en est ainsi de lassociation
IFEDEM, chargée dorganiser la formation des
enseignants de la musique et de la danse, créée
à linitiative du ministère de la culture
et dirigée lors de sa création par Françoise
DUPUY, inspecteur de la danse, en charge de lenseignement
auprès de la délégation à la
danse du ministère de la culture.
Lassociation administrative est donc fondée
sur une cause ou en vue dun objet illicite et contraire
aux lois. En application de larticle 3 de la loi de
1901, cette association est nulle et de nul effet. Les subventions
ou les paiements de prestations à de telles associations
sont donc versés à des associations fictives
et inexistantes. Dans le cas de la plupart des associations
présentées, nous pourrions donc systématiquement
être dans une situation de gestion de fait.
Les préfets qui surveillent les bureaux des associations
devraient refuser le dépôt de ces associations
et en demander la dissolution dès quils en
ont connaissance.
Absence d'habilitation
Le comptable de fait est par définition
une personne qui effectue des opérations sur des
deniers publics sans y être habilitée. Une
collectivité publique peut confier une tâche
à un organisme privé par une convention qui
vaudra titre légal pour encaisser des recettes et
effectuer des dépenses, ou les deux à la fois.
La quasi-totalité des associations créées
par le ministère de la culture ou des affaires étrangères
dans le domaine de la culture nont pas de délégation
de service public légale.
SAISINE
Plusieurs cas :
- Auto saisine : dans la plupart des cas, la procédure
de gestion de fait est ouverte à l'occasion du contrôle
d'une juridiction financière (Cour des Comptes ou
Chambre régionale de la Cour des Comptes). Ce peut
être un contrôle a posteriori des comptes et
de la gestion d'un organisme (contrôle d'une association
subventionnée) ou un contrôle d'acte seulement
(ex. : un préfet saisit pour avis une chambre régionale
des comptes à propos d'une convention relative à
un marché ou à une délégation
de service public et lui demande si la perception d'une
redevance par une société privée est
constitutive de gestion de fait. S'il y a gestion de fait,
la juridiction pourrait statuer directement). Cest
par exemple la procédure utilisée par le préfet
du Var, qui a demandé à la Chambre régionale
des comptes deffectuer une vérification de
la gestion du Théâtre National de la Danse
et lImage de Châteauvallon.
- déclenchement par le ministère public de
la juridiction financière (procureur général
près la Cour des Comptes ou commissaire du gouvernement
près une chambre régionale des comptes) lorsqu'il
est informé de faits constitutifs d'une gestion de
fait. La marge d'appréciation du ministère
public pour prendre un réquisitoire diffère
selon que les faits lui ont été transmis par
une autorité officiellement habilitée à
le faire ou par une autre personne ;
- le procureur général et les commissaires
du gouvernement se considèrent comme tenus de prendre
des réquisitions dès lors qu'ils sont saisis
par les autorités habilitées par les textes
à leur donner connaissance de faits constitutifs
de gestion de fait.
- lorsque les irrégularités sont communiquées
par d'autres personnes (juge administratif par exemple),
le ministère public apprécie, après
enquête éventuelle de sa part, s'il prend un
réquisitoire introductif d'instance.
- le contribuable (pas plus que les élus locaux,
comme le maire) ne peut saisir le commissaire du gouvernement.
Mais il peut informer le procureur général
près la Cour des Comptes qui, lui, a le droit de
saisir le commissaire du gouvernement.
La jurisprudence est très pragmatique et fait une
place importante au degré d'implication des personnes
physiques dans les opérations irrégulières.
En ce qui concerne les associations transparentes, la jurisprudence
tend progressive-ment à ne plus les inclure dans
le périmètre de la gestion de fait. Dans le
cas des nombreuses associations satellites du ministère
de la culture, ces associations étant presque toutes
nulles et de nul effet, leur responsabilité risque
de ne pas pouvoir être recherchée. Seuls les
dirigeants de droit et de fait de ces associations pourront
être mis en cause. Cela concerne systématiquement
le directeur statutaire, même sil nest
pas déclaré.
Sanction
La gestion de fait sur le plan pénal
est sanctionnée par larticle L. 433-12 du Nouveau
Code Pénal.
Le juge pénal peut également condamner les
personnes déclarées gestionnaires de fait
à des peines d'amende(2) ou de prison (3).
La gestion de fait rend inéligible. Le code électoral
rend en effet inéligibles dans les assemblées
locales, les comptables des deniers de ces collectivités(4).
(1)
On parle de lordonnateur..
(2) Art. 4 de la loi du 31 décembre 1954.
(3) Art. 258 du Code pénal.
(4)
Art. 231 pour les conseillers municipaux, 195 pour les conseillers
généraux et 340 pour les conseillers régionaux
© Roland LIENHARDT - 1998
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