Limportant travail réglementaire effectué
par Jack LANG en février et mars 1993, ou comment le
ministre a mis en place des règles de moralisation
de la culture la veille de son départ.
Jack LANG a été ministre de la culture à
deux reprises, de 1981 à 1986, pendant la première
législature socialiste du premier septennat de François
MITTERRAND, et de 1989 à 1993, pendant le second septennat.
La défaite de mars 1993, annoncée, a provoqué
de la part de Monsieur LANG une véritable frénésie
réglementaire où il a abordé plus de
sujets en quelques mois qu'il n'en avait traité durant
ses dix années de présence à ce portefeuille.
Sur le départ, il saperçut quil
fallait se pencher sur le droit du travail dans la culture.
Un plan de 22 mesures fut donc élaboré en urgence
et mis en place par les services des ministères de
la culture et du travail.
Une de ces mesures consista à subordonner le versement
des subventions au respect des obligations sociales. Après
avoir largement subventionné tous ses amis, sans autre
critère que son bon plaisir, le ministre entendit enfin
instituer un minimum de contrôle et faire peser sur
son successeur des règlements dont il s'était
lui-même allègrement dispensé.
L'objet de ce train de mesures consistait aussi à mettre
en place des dispositifs en faveur dune bonne application
du droit social et de la lutte contre le travail clandestin
dans le secteur des spectacles. Cette volonté de contrôle,
dans ce quelle avait de tardive, mais de justifiée,
est dailleurs pour l'essentiel restée lettre
morte.
Il suffit de regarder le moindre budget dorganisme subventionné
par le ministère de la culture pour subodorer quil
y a un énorme recours au travail dissimulé.
Le ministère de la culture est sans doute le premier
employeur clandestin du secteur ; il nexiste pas de
statistiques...
Ce même plan de mesures prévoyait lextension
de la plupart des conventions collectives afin de les rendre
obligatoires. Ce qui a été fait...
Il prévoyait encore la mise en place de 12 centres
daide à la gestion des entreprises culturelles.
Un label a dailleurs été créé
par le ministère, annulé par le conseil dÉtat
(à linitiative de la Société Nodula)
pour défaut de base légale.
Cela na pas empêché les successeurs de
Monsieur LANG de continuer à soutenir ces centres daide
à la gestion des entreprises culturelles et de les
subventionner.
La plupart des consultants de ces associations nont
ni les diplômes, ni les assurances nécessaires.
Cest ainsi que le responsable dIntercachet, centre
mis en place à Paris par lAGECIF avec le soutien
du ministère de la culture, nest titulaire que
dun BTS et na pas le droit de faire des contrats
de travail pour autrui à titre rémunéré.
Le ministère de la culture en vérité
ne contrôle rien puisque ce centre daide à
la gestion est une entreprise clandestine (au sens juridique
du terme). En effet, cette activité nest pas
prévue par ses statuts et ses dirigeants ne sont pas
déclarés. Il sagit dune entreprise
utilisant le cadre de la loi de 1901 de façon illégale
et qui ne respecte pas les dispositions essentielles de cette
loi.
En définitive, les 22 mesures en question nont
servi quà permettre la reconduction et le maintien
sous de nouvelles formes justifiées par son départ
des nombreux avantages concédés par Jack LANG
à ses amis durant son ministère.
Le travail initié par Jack LANG à cette époque
a ainsi été poursuivi par ses obligés,
à savoir le corps des inspecteurs de la création
artistique qui forme larmature de ce ministère
et quil a créé le mois de son départ.
Ces fonctionnaires lui sont donc redevables de leur situation
et ont évidemment perpétué son uvre
de camaraderie.
C'est en effet le 3 mars 1993 qu'a été signé
le décret instituant le corps des inspecteurs de la
création et des enseignements artistiques . Cette catégorie
de fonctionnaires, inspecteurs, ou inspecteurs généraux,
coiffe le théâtre, la musique, la danse et les
arts plastiques. Bien entendu, ce décret contient un
chapitre de dispositions transitoires qui a permis lintégration
dans la fonction publique de tous les contractuels qui occupaient
ces postes depuis quelques années. Jack LANG a pu caser
tous ceux quil avait embauchés au ministère
et en garder ainsi, peu ou prou, le contrôle.
Cest ainsi que la majorité des fonctionnaires
de la création artistique actuellement en poste na
pas passé de concours et na pratiquement pas
de formation administrative.
Derrière les dernières volontés socialistes
d'un ministre qui voulait faire reconnaître les droits
sociaux dans le secteur de la culture et les prémunir
contre le peu de cas que la droite est réputée
en faire, c'est surtout à un extraordinaire travail
de verrouillage que s'est livré notre " prince
de la culture ".
© Roland LIENHARDT - 1998
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