Une loi de 1985 est venue réglementer les droits des
artistes-interprètes. Elle reconnaît leur droit
à percevoir une rémunération pour les
exploitations secondaires de leurs uvres (radio et télé
diffusion - diffusion dans les lieux publics). Ces droits,
déjà reconnus par les tribunaux, ne disposaient
cependant pas dune assise juridique efficace.
La loi de 1985 a également créé de nouveaux
droits, notamment celui dit de la " copie privée " qui consiste à dédommager forfaitairement
les artistes du préjudice causé aux ventes de
disques et de cassettes audio par les reproductions faites
à partir de bandes vierges.
La baisse du prix des appareils enregistreurs justifiait cette
réglementation. Le prix de vente des cassettes ou bandes
vidéo vierges vendues sur le marché intègre
donc une redevance de droits payée par le consommateur.
Les artistes du disque et de laudiovisuel perçoivent
en conséquence des rémunérations multiples.
Les artistes perçoivent dabord un salaire correspondant
au travail denregistrement du disque ou de tournage
de luvre audiovisuelle.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette rémunération
nest en général pas très conséquente.
Ainsi, pour lannée 1993, dans le domaine du disque,
une étude du SNEP indique que 19 MF de francs ont été
versés aux artistes musiciens par les majors compagnies
(les filiales françaises des multinationales du disque).
Toujours, selon la même étude, le salaire moyen
des musiciens était de 2 000 F par jour denregistrement.
Cela signifie que les majors du disque fournissent en France
9 500 jours de travail pour lensemble de tous les musiciens.
Ce chiffre est à rapprocher des 18 560 titres de phonogrammes
déposés cette même année 1993 à
la phonothèque nationale. Il est vrai quil y
a des compilations, mais cela nexplique pas tout. Ces
chiffres suffisent à montrer le malaise qui règne
dans la profession.
En matière de vidéomusique, la situation est
encore pire. Les artistes ayant collaboré au disque
ne sont pratiquement jamais payés, on considère
que cela fait partie de leur obligation de participer à
la promotion de l'album.
Le droit du travail français se révèle
totalement inadapté à la production artistique
et au final, c'est la loi du plus fort qui s'applique. Seuls
les artistes confirmés sont en mesure de faire respecter
leurs droits. Le ministère de la culture, plutôt
que de réfléchir à des solutions dapplication
du droit du travail au bénéfice de tous a préféré
innover et créer de nouvelles sources de rémunération.
Outre la rémunération due pour lenregistrement
du disque ou de luvre audiovisuelle, la loi reconnaît
à lartiste un droit sur leur exploitation.
En réalité, seuls les artistes directement associés
à la promotion des uvres parviennent à
négocier des droits proportionnels à lexploitation
des enregistrements. On parle alors de redevances dartiste.
Les musiciens et de nombreux artistes subalternes de laudiovisuel
sont, quant à eux, obligés de céder tous
leurs droits au producteur, ce qui génère de
nombreux conflits entre syndicats de producteurs et de musiciens.
Dans le disque ou laudiovisuel, les producteurs paient
directement aux artistes principaux des redevances. Cette
rémunération présente l'avantage de nêtre
soumise à aucune charge sociale. Il nest même
pas sûr quil soit nécessaire de payer la
CSG et la CRDS sur ces rémunérations qui ne
sont en principe pas liées à une activité,
mais uniquement aux résultats dexploitation .
Certaines conventions collectives confient aux sociétés
civiles dartistes la répartition de ces rémunérations
secondaires. Il en va ainsi de la convention collective des
artistes engagés pour des émissions de télévision,
et de laccord conclu en matière de bande sonore
dans les spectacles . Ces deux accords sont dans les faits
fort peu respectés.
Une part conséquente de la rémunération
des artistes du disque et de laudiovisuel est versée
par lintermédiaire de sociétés
civiles. Il sagit de la rémunération équitable
et de la rémunération pour copie privée.
La rémunération équitable concerne (outre
les producteurs) les artistes et les musiciens ayant collaboré
aux enregistrements phonographiques. Elle est due par les
lieux publics diffusant des disques du commerce, ainsi que
par les radios et télévisions. Cette redevance
s'ajoute à celle des droits dauteur réclamés
par la SACEM. La loi a confié les modalités
de fixation des barèmes de rémunération
aux organisations représentatives des artistes-interprètes
et de producteurs, et aux utilisateurs, alors que le seul
critère de représentativité des syndicats
dartistes-interprètes est dappartenir à
une organisation syndicale nationalement reconnue, quand bien
même sa représentation au sein de la profession
serait mineure.
Les sommes perçues au titre de la rémunération
équitable ont dépassé les 225 MF en 1996.
La loi de 1985 a également confié aux sociétés
civiles la répartition de la copie privée. Ces
droits proviennent de la redevance payée sur les cassettes
vierges. Les sommes perçues au titre de la copie privée
ont représenté un peu plus de 649 MF en 1996.
Cest environ un milliard de francs par an que le ministère
de la culture a ainsi confié aux syndicats et aux deux
sociétés civiles quils contrôlent.
Si la représentativité des syndicats patronaux
du disque et de laudiovisuel nest pas contestable,
ni même celle de la SACEM sagissant des auteurs,
il en va tout autrement des sociétés dartistes.
Ce sont en fait les deux syndicats dartistes émanant
de la CGT, qui disposaient chacun dune structure habilitée
à percevoir et répartir les rémunérations
secondaires des artistes, qui se sont vus confier la gestion
des sommes revenant aux artistes et musiciens. Le Syndicat
Français des Artistes (SFA) avait créé
lADAMI qui accueille les acteurs, danseurs et musiciens
solistes. Le Syndicat National des Artistes Musiciens (SNAM)
avait quant à lui créé la SPEDIDAM pour
accueillir les autres.
Le chiffre daffaires de lADAMI est ainsi passé
de 5 MF environ en 1985 à 218 MF en 1995. SPEDIDAM
et ADAMI réunis représentent en 1996 un peu
plus de 314 MF.
En confiant ces budgets aux deux sociétés civiles
animées par la CGT, le ministère de la culture,
alors dirigé princièrement par Jack LANG, sest
mis les syndicats dans la poche et a transformé peu
ou prou ces structures revendicatives en nouvelles niches
de privilèges. Les militants sont devenus des notables
repus.
LADAMI salarie un certain nombre de permanents syndicaux
du SFA alors que sur le collège des administrateurs
de lADAMI, six au moins nont jamais perçu
de droits voisins et trois autres moins de 2 000 F de droits
en 9 ans, ce qui permet de douter de la réalité
de leur activité artistique et partant, de leur faculté
à représenter les intérêts moraux
et les problématiques culturelles de la profession.
En 1995, cinq administrateurs dirigeants du SFA étaient
salariés à titre permanent de lADAMI.
Une dizaine dautres administrateurs, membres du bureau
national du SFA, sont rémunérés à
titre occasionnel.
Le problème se pose dans les mêmes termes pour
la SPEDIDAM qui salarie également un certain nombre
des membres de son conseil dadministration par ailleurs
responsables du SNAM-CGT .
Les sociétés civiles participent aussi au financement
des journaux des syndicats. Ainsi, lADAMI est un des
rares, voire le seul annonceur de la revue du SFA Plateaux,
pour des encarts (quatrième de couverture) facturés
45 000 F en 1995 . La confusion des genres est telle que dans
le N° 133 de la revue Plateaux, lindication de léditeur
est libellée au nom de la société ADAMI.
LADAMI et le SFA ont même des avocats communs,
ce qui a donné prise à une accusation selon
laquelle lADAMI prendrait en charge des honoraires dûs
par le SFA.
Le jeu de chaises entre lADAMI et le Syndicat devient
particulièrement préoccupant quand le SFA mandate
lADAMI pour intervenir à sa place dans les conventions
collectives, au motif que son propre service juridique nest
pas assez structuré.
Les sociétés civiles permettent ainsi aux syndicats
du spectacle et de laudiovisuel de payer leur personnel
à des taux défiant limagination.
Monsieur Christian JAMES, par exemple, embauché comme
comptable en 1985 touchait en septembre 1996 un salaire de
675 561 F par an en qualité de directeur administratif
et financier, après avoir été directeur
général de 1992 à 1996, sans compter
les frais de déplacements professionnels dans les grands
hôtels pris en charge par la société civile,
ainsi que des primes diverses et variées, dont 41 000
F en dédommagement de congés payés non
pris. Le fait que sa gestion ait été gravement
mise en cause dans le rapport daudit ne la pas
gêné outre mesure .
Laction culturelle des sociétés
civiles
Cest à ce titre que les sociétés
civiles dartistes et les syndicats qui les contrôlent
tirent lessentiel de leur pouvoir. En arrosant. Les
sources ne manquent pas.
La loi de 1985 prévoit quune partie des sommes
perçues par les sociétés civiles dartistes
doivent être consacrées à des actions
daide à la diffusion du spectacle vivant et à
la formation des artistes. Ces sommes proviennent de la copie
privée et de la rémunération équitable
dont une partie nest pas répartie. Qu'à
cela ne tienne, ce nouveau trésor va permettre aux
responsables de l'ADAMI de se construire un beau réseau
dinfluence et d'obligés à travers cette
faculté doctroyer des subventions que Jack LANG
leur a concédée.
Depuis la réforme de mars 1997, les sociétés
civiles dauteurs, dartistes et de producteurs
peuvent également disposer des sommes non réclamées
cinq ans après leur mise en répartition et se
les accaparer définitivement au bout de 10 ans.
Laction culturelle de lADAMI a ainsi porté
en 1996 sur 46 MF, celle de la SPEDIDAM sur 17 MF.
Cette action culturelle sert sans doute à beaucoup
de choses mais certainement pas à aider au respect
du droit du travail, ce qui est tout de même incroyable
venant d'une société créée et
contrôlée par un syndicat affilié à
la CGT.
Le rapport de la mission daudit de lADAMI est
confondant : " chargée dassurer la défense
des droits des artistes-interprètes, lADAMI peut,
à son corps défendant, contribuer en réalité
à favoriser le non respect de certains de leurs droits
sociaux par une politique de subvention insuffisamment contrôlées.(...)
Dans certains cas, pour lesquels il na cependant pas
été possible de recueillir de pièces
convaincantes, il semblerait que laide versée
par lADAMI permette moins la réalisation dun
projet artistique que le maintien des droits de ses bénéficiaires
à lindemnisation, au titre de lassurance-chômage
des intermittents du spectacles ".
Les exemples tirés du rapport daudit sont édifiants
:
LADAMI finance chaque année le FCM (Fonds pour
la Création Musicale), 4,5 MF en 1995. Cet organisme
a été mis en place à linitiative
du ministère de la culture. Il permet de payer grassement
en qualité de directeur un ancien instituteur auparavant
dirigeant dune association para-administrative du ministère
de la culture (lIRMA )
La subvention du FCM est intégralement prélevée
sur les fonds devant en principe alimenter la création
artistique et qui, au lieu de cela, servent à financer
pour une part conséquente le fonctionnement d'une structure
qui, à son tour, aide essentiellement des projets labellisés
par le ministère.
- LADAMI nest pas très regardante sur les
entreprises à qui elle octroie ses subventions. Le
festival d'Avignon, dont la légalité même
pourrait être mise en cause, et qui est lui aussi dirigé
par un ancien directeur du ministère en situation de
pantouflage, a reçu d'elle 2,145 MF en 1996. Sur cette
somme, 537 000 F correspondent à des dépenses
qui nauraient pas dû être financées
par laction culturelle . LADAMI a fait organiser
en outre dans le cadre du festival un stage de formation par
la société NOVOCOM, que dirige un ancien délégué
général du SFA. Elle contribue par ailleurs
au financement du festival de Cannes dont la légalité
est elle aussi douteuse.
Les dépenses effectuées par lADAMI dans
des domaines autres que ceux autorisés par la loi sont
considérables et font apparaître que ses responsables
s'accordent, avec l'argent de leurs mandants, un train de
vie qui n'est pas du tout représentatif de la situation
de ces derniers.
En aides et en frais divers, le festival de Cannes 1994 a
globalement coûté 1,376 MF à lADAMI.
Une délégation pléthorique de 13 personnes
y a séjourné pour une période variant
de 4 à 12 jours dans les plus grands hôtels.
Ce ne sont plus les artistes désormais qui fantasment
sur une vie de star - ils savent bien que la majorité
d'entre eux ne seront jamais que des professionnels - mais
leurs représentants.
Ceux qui sont chargés de défendre et de faire
progresser leurs droits, issus de surcroît d'un syndicat
de culture ouvrière, passent à l'acte avec leur
argent sur les plages de la Côte d'Azur à jouer
les mécènes et à en consommer les privilèges...
De nombreuses dépenses de lADAMI sont imputées
sur les fonds réservés à laction
culturelle alors quil s'agit en fait dopérations
de communication qui devraient en conséquence être
comptabilisées en frais de gestion, lesquels sont déjà
fort conséquents.
Le rapport daudit épingle également de
telles glissades à propos du MIDEM, de MUSICORA, du
Comité national de la musique, du Centre français
du théâtre, du French Music Office, de la Bibliothèque
musicale G. Mahler, des Francofolies, des Francoparlons, du
Marché des arts du spectacle africain, du Printemps
de Bourges. Belles occasions de tisser ses relations d'influence,
belle collection de promenades mondaines !
Nous vous présentons quelques exemples caricaturaux
mis en exergue par le rapport daudit :
- Les représentants de lADAMI affectionnent particulière-ment
les voyages. LADAMI subventionne par exemple à
hauteur de 60 000 F le MIDEM Asie, mais fait préciser
que les frais de déplacement de ses représentants
devront être pris en charge par le bénéficiaire
de la " subvention ". Aux yeux de la presse, ils
sont là-bas parce qu'en raison de leur importance,
l'organisateur a jugé bon de les inviter.
- Laide au Centre dInformation et dOrientation
du Danseur (CIOD) a servi en fait à financer une brochure
de propagande de lADAMI à destination des danseurs.
On pourra juger au passage du niveau dindépendance
et dobjectivité des divers centres de documentation
illégalement mis en place par le ministère de
la culture. Cette brochure soutient bien évidem-ment
de façon exclusive les positions syndicales du SFA.
- Laide de 130 000 F au French Music Office basé
à New-York prévoit également que 30 000
F seront reversés pour les déplacements de responsables
de lADAMI.
- Laide au MILIA 1995 prévoyait, outre la mise
à disposition dun stand, la prise en charge de
lhébergement des 6 membres de la délégation
de lADAMI et une aide conséquente à une
table ronde juridico-technique organisée par lIRCAM,
autre association du ministère de la culture.
- Laide de 150 000 F au Marché des Arts du Spectacle
Africain prévoyait la prise en charge du voyage et
de lhébergement pour trois personnes...
- Les États généraux des orchestres français
ont été aidés à hauteur de 100
000 F. Lorganisateur de cette manifestation est domicilié
à la même adresse que le SNAM (Syndicat National
des Artistes Musiciens CGT). Un grand concert a été
organisé, aucun artiste na été
rémunéré, ce qui est totalement illégal
sagissant de professionnels. Cette manifestation relevait
en conséquence du travail clandestin.
- Le centenaire du syndicalisme, spectacle événementiel
commémorant le centenaire de la CGT, a lui aussi bénéficié
dune aide de 100 000 F.
- Les Victoires de la Musique ont bénéficié
dune aide de 400 000 F en 1995 et 1996. Elles ont pour
directeur artistique le président de lADAMI (Jean-Claude
PETIT). Lorganisateur na jamais fourni les bulletins
de salaires et les attestations des organismes sociaux, ce
qui tendrait à prouver quil sagit là
encore de travail clandestin (infraction non prescrite).
- La Nuit des Musiciens a bénéficié en
1995 et 1996 de 150 000 F. Cette manifestation est organisée
par le même producteur que le Centenaire du syndicalisme,
lassociation A.B.C. (ateliers bureaux culture, centre
détude , de recherche et de promotion culturelle
de la CGT). Cette association a pour secrétaire général
le président actuel de lADAMI, Jean-Claude PETIT,
également administrateur de la SPEDIDAM.
- UNIFRANCE, association du ministère de la culture
chargée de promouvoir le cinéma français
à létranger, bénéficie dun
subventionnement de lADAMI, imputé à tort
sur les crédits de laction culturelle puisque
les sociétés civiles nont pas le droit
de subventionner le cinéma !
Le rapport daudit fait part d'une correspondance où
est mentionnée la volonté de lADAMI de
faire prendre en charge les frais de transport et dhébergement
de son représentant sur lensemble des opérations
organisées à létranger par Unifrance.
Encore de beaux voyages en perspective puisque cette association
organise des manifestations de promotion du cinéma
français partout dans le monde. Cette dernière
na accepté cette prise en charge que pour un
coût de 30 000 F sur le festival de Yokohama, expliquant
que la satisfaction de la demande de lADAMI aurait dépassé
le montant de son apport.
- Les État généraux de la culture à
Aubervilliers (organisés par Jacques RALITE, une des
éminences du Parti Communiste pour la culture) se sont
vus accorder une subvention de 100 000 F en 1994. La seconde
partie de la subvention na jamais été
versée, lADAMI nayant pas réussi
à se faire communiquer les contrats dengagement
des artistes. Il sagit là encore vraisemblablement
dune manifestation ayant eu recours au travail au noir.
Le rapport daudit contient de nombreux autres exemples
de subventions dont la seconde partie na jamais été
versée parce que les producteurs n'avaient pas fourni
les contrats de travail, les fiches de paie ou quelque document
justifiant que le personnel avait été légalement
salarié. LADAMI, pour sa propre gouverne na
jamais donné suite à ces constatations qui écorchent
tout à la fois sa mission vis-à-vis des artistes
et la fibre syndicale dont elle est issue, pas plus que le
ministère de la culture qui, au vu d'un rapport d'audit
on ne peut plus clair sur la question, est resté sans
réaction face à ces situations de travail clandestin.
Quand le montant des charges sociales à payer par les
organisateurs est supérieur à la seconde tranche
de subvention, des producteurs s'abstiennent de les payer.
Ils ne sont donc pas en mesure de fournir les attestations
en principe exigées de lADAMI pour débloquer
la seconde partie de laide. Les producteurs auront néanmoins
bénéficié du premier versement de l'aide
sans respecter le droit social. En ne donnant aucune suite
à ces infractions, lADAMI s'en rend moralement
complice.
Il est vrai quun certain nombre de situations litigieuses
concernent des amis politiques, quand elles ne concernent
pas directement des administrateurs de lADAMI.
- Ainsi, lassociation " Au nom de la loi "
a reçu 900 000 F de subvention. Créée
en fait par un administrateur de lADAMI, cette association
tirait la totalité de ses ressources de de cette dernière.
Lassociation a salarié au passage ladministrateur
de lADAMI sous forme de cachet dartiste de variété,
alors que lassociation na réalisé
aucune prestation de cette nature, permettant par ce biais
à cet administrateur de refaire son plein dallocation
chômage. La secrétaire salariée de cette
association a été réembauchée
directement par lADAMI lorsque celle-ci a cessé
de subventionner lassociation.
- La Sarl " Rockinbleu " a bénéficié
dune aide de 120 000 F pour un disque interprété
par un artiste administrateur et vice-président de
lADAMI, et également animateur de lassociation
" Au nom de la Loi ". LADAMI a couvert 46
% du budget de la production, ce qui est très nettement
supérieur au maximum autorisé par son propre
règlement. Lartiste a touché un cachet
de 5 000 F et une musicienne, par ailleurs trésorière
de lassociation " Au nom de la Loi ", a perçu
un cachet de 7 464 F. Le disque na jamais été
distribué...
Lassociation " Société des Artistes
Lyriques de France " (SALF) a bénéficié
dune aide de 1 850 000 F sur trois ans pour monter un
spectacle sur les " Contes d'Hoffmann ". Ce projet
était initié par le secrétaire général
du conseil dadministration et cogérant de lADAMI.
Il a dabord fait réaliser une étude de
faisabilité par la société " Centrale
des Arts de la Scène ", puis a pris les fonctions
de président, puis de directeur de SALF. Le responsable
de lADAMI a bien entendu touché des cachets pour
ses prestations artistiques de chanteur.
Cest également lui qui a signé les contrats
des artistes en qualité de producteur. La Société
SALF a été condamnée par le Tribunal
de Grande Instance de Paris à verser 70 000 F de dommages-intérêts
à un artiste lyrique parce qu'elle sétait
dispensée dobtenir l'accord de cet artiste pour
diffuser son enregistrement à des fins commerciales.
Lassociation SALF a été mise en liquidation
judiciaire le 13 novembre 1992. LADAMI a néanmoins
versé le solde de sa subvention, soit 750 000F, afin
que les salaires soient payés, sans doute afin de limiter
le scandale, mais encore une fois en infraction avec le principe
selon lequel le solde des subventions ne doit être versé
quaprès réglement de toutes les charges
salariales et sociales.
La gestion sociale de lADAMI
Le rapport daudit sattarde enfin sur la façon
très particulière dont la société
est gérée. Les salariés bénéficient
en effet dun accord dentreprise " béton
" qui leur octroie de très nombreux avantages
sociaux :
Un treizième mois, une prime dancienneté
conséquente, une prime de scolarité pour les
enfants, carte orange intégralement financée
par lemployeur, tickets restaurants financés
à 60 %, six semaines de congés payés,
rémunération majorée de 100 % pour les
fêtes légales ou deux journées de récupération.
Les voyages professionnels très nombreux dans les festivals,
au-delà de leur intérêt politique et de
leur agrément immédiat permettent en plus dengranger
des droits à congés conséquents ou des
congés exceptionnels majorés...
Lentreprise a sa propre façon de jouer le jeu
en matière sociale, par exemple en faisant élire
à la fonction de délégué syndical
des salariés qui sont en cours de licenciement, leur
permettant ainsi de toucher un maximum dindemnités.
Lentreprise aura même tendance à multiplier
les procédures de licenciement pour des motifs fantaisistes
réalisant de cette manière des transactions
forts conséquentes au bénéfice des salariés
qui quitteront ainsi lentreprise sans faire de vague.
Les statuts de lADAMI prévoient quune partie
des sommes non réparties en provenance de la rémunération
équitable et qui ne sont pas affectées obligatoirement
à laction culturelle, alimente un fonds destiné
à financer des actions dintérêt
général pour les professions dartistes-interprètes
et des actions sociales.
Le rapport daudit montre à ce propos que le fonds
en question sert aussi à financer des opérations
de communication de lADAMI qui auraient dû figurer
dans les charges dexploitation normales de lentreprise.
Cela minore ainsi les frais de gestion présentés
aux adhérents.
Laudit a quelques raisons de s'attarder sur lanalyse
des campagnes de communication, présentées comme
telles cette fois. Une campagne menée en 1995 sur les
droits des artistes-interprètes, avec spots télé
et serveur vocal a été passée au crible
par les rapporteurs. Cette campagne a coûté 3,7
MF pour des retombées dérisoires , et cela sans
compter les frais de structure habituels de lADAMI dont
les équipes ont participé activement à
la campagne.
Les rapporteurs notent au passage que lADAMI na
pas respecté les dispositions relatives aux prestations
de publicité édictées par la loi du 29
janvier 1993 relative à la prévention de la
corruption et à la transparence de la vie économique
et des procédures publiques (loi Sapin). Le ministère
de la culture na pas non plus jugé utile de saisir
la justice de cette question.
Depuis que cet audit a été rendu public, la
gestion de lADAMI n'a guère évolué.
En janvier 1998, lADAMI a publié dans le journal
du SFA un dossier intitulé " Dossier SFA-ADAMI
". Lintitulé même de cette réponse
montre que les habitudes prises auront bien du mal à
être modifiées. On ne sait pas si le dossier
est réalisé conjointement par les deux organisations
ou sil sagit dun dossier uniquement réalisé
par le SFA. La confusion est totale. Si lADAMI na
pas réalisé ce dossier, le SFA parle comme sil
était lADAMI. La quatrième page de couverture
de ce journal est toujours payée par lADAMI.
Il sagit toujours de la seule publicité du journal.
Concernant la critique sur les frais de fonctionnement, le
SFA-ADAMI se dérobe, ne répond pas et invoque
la thèse du complot chère aux staliniens de
toutes obédiences : " Il est curieux de constater
que sur ce point précis, les rédacteurs (du
rapport daudit) semblent rejoindre nos détracteurs
qui, lors dassemblées générales
et à loccasion dune procédure, sétaient
élevés contre limputation du fonctionnement
du service artistique au budget de laction artistique
! Faudrait-il que les sommes consacrées au fonctionnement
de ce secteur soient prélevées sur la répartition
individuelle ? ". Le niveau dindigence de cette
réponse et plus généralement de lensemble
des 8 pages de réponse du dossier est effarant à
la fois d'incompétence et de toupet.
En effet, en prélevant ces dépenses sur les
répartitions individuelles, cela montrerait au moins
aux associés quel est le niveau de frais de gestion
réel des administrateurs de lADAMI, au lieu de
les maquiller en les passant dans les budgets dintervention
artistique.
Naïvement, le rapport daudit sinterroge sur
les raisons qui ont poussé le ministère de la
culture à ne jamais réagir devant lillégalité
de la gestion de lADAMI et de lui avoir au contraire
donné quitus à plusieurs reprises. Il aura fallu
qu'un jour des associés portent le débat devant
les tribunaux pour que le ministère se sente obligé
de réagir. En vérité, la mauvaise gestion
de lADAMI nest pas une mauvaise gestion, ce n'est
qu'une des facettes du système de financement de la
culture mis en place par Jack LANG et ses successeurs rue
de Valois, lequel repose essentiellement sur un principe de
clientélisme et de non droit. Le nombre de subventions
illégalement attribuées à des officines
du ministère de la culture le prouve déjà
bien assez. Cet enchevêtrement du réseau de financements
a pour but de mouiller le plus grand nombre de personnes et
dintérêts dans la combine, de créer
un réseau qui résiste à toutes les contestations,
à tous les changements politiques, une pieuvre...
Début 1998, Pierre SANTINI, Michel DUCHAUSSOY et Laurent
PETITGIRARD, tous trois vice-président de lADAMI,
ainsi que quatre autres administrateurs élus en 1996
sur un programme de réforme et d'assainissement, ont
démissionné, refusant de cautionner plus longtemps
des pratiques qui refusent de s'amender. Un mois plus tard,
cest le président lui-même, Jean-Claude
PETIT qui annonce sa démission motivée par le
fait que lADAMI refuse de corriger les aspects de sa
gestion critiqués dans le rapport daudit. Au
mois de mars 1998, lADAMI sest donc redonné
un nouveau président, celui-là même qui
exerçait la présidence durant la période
couverte par laudit. Le ministère de tutelle
nest pas intervenu...
Deux mois plus tard, ce nouveau président faisait lobjet
dune inculpation pour abus de confiance et démissionnait
lui aussi, restant toutefois en fonction pour gérer
les affaires courantes jusquà la désignation
dun nouveau président.
Nous avons parlé essentiellement de lADAMI en
nous basant sur le rapport daudit des pouvoirs publics.
Il convient toutefois de souligner quun certain nombre
des manifestations subventionnées par lADAMI
le sont également par la SPEDIDAM qui doit supporter
peu ou prou le même type de critiques.
Il ne faut pas perdre de vue que ces sociétés
civiles sont censées être contrôlées
par le ministère de la culture. Or, aucun des nombreux
cas de travail clandestin dûment établis dans
le rapport na fait lobjet de la moindre poursuite
de la part des pouvoirs publics ...
Le ministère de la culture na pas plus envie
de contrôler la SPEDIDAM quil na jusquà
ce jour contrôlé lADAMI. La SPEDIDAM a
pourtant modifié ses statuts en 1994 dune façon
qui semble quelque peu cavalière. Le dernier rapport
de la sous-direction des affaires juridiques du ministère
de la culture (juin 1997) se limite à prendre acte
de la modification des statuts de la SPEDIDAM, indiquant quelle
est désormais titulaire du droit exclusif dautoriser
et dinterdire la reproduction et la communication au
public de la prestation des artistes, alors que lensemble
des professionnels juridiques sérieux considèrent
que cela est totalement irréel.
Après avoir dénoncé les accords collectifs
du disque en 1993, le SNEP, seul signataire patronal de ces
accords, a proposé aux syndicats de salariés
de nouvelles négociations, ainsi que la loi l'y oblige.
Les producteurs proposaient un système de contrats
individuels prévoyant la cession globale des droits
d'exploitation au producteur, assortie de rémunérations
correspondantes, à l'instar de ce qu'organise déjà
l'accord du 1er mai 1969 conclu avec le SFA pour les artistes
solistes et qui n'a pas été dénoncé.
La SPEDIDAM et le SNAM ont refusé et refusent toujours
de rentrer dans cette logique et de céder les droits
d'exploitation, et veulent continuer à pouvoir intervenir
et négocier chaque mode dexploitation.
Faute de conciliation entre syndicats patronaux et salariés,
les producteurs ne sont plus liés par aucun accord
depuis juillet 1994 et peuvent donc librement passer les contrats
individuels qu'ils souhaitent avec les artistes.
Afin d'empêcher les musiciens de signer des contrats
individuels avec les producteurs, la SPEDIDAM a modifié
ses statuts lors de son Assemblée Générale
Extraordinaire du 16 juin 1994. Avant cette date, les musiciens
donnaient à la SPEDIDAM un simple mandat de gestion
consistant à autoriser ou interdire la reproduction
mécanique de leur interprétation. Ce mandat
n'empêchait pas un musicien de conclure un contrat directement
avec un producteur. Un tel contrat était valable, seul
le musicien risquant alors une amende de la SPEDIDAM.
En vertu de la modification apportée aux statuts, les
musiciens font désormais apport à la société
du droit d'autoriser ou d'interdire la reproduction et la
communication au public de leur prestation et des utilisations
dérivées de celles-ci. Ils font également
apport à la SPEDIDAM de leurs droits sur la fixation
de leur interprétation dès lors quelle
n'a pas initialement fait l'objet dune autorisation
écrite de l'artiste-interprète.
Ce système est calqué sur celui qui existe déjà
entre la SACEM et les auteurs en matière de droit de
représentation et de reproduction mécanique.
C'est en effet la SACEM qui délivre les autorisations
et fixe les niveaux de rémunération.
Concrètement, cela signifie que d'après les
nouveaux statuts de la SPEDIDAM, il est désormais interdit
à tout adhérent de céder les droits dont
il a investi la société et donc de conclure
un quelconque contrat avec un producteur concernant l'utilisation
des enregistrements autre que l'utilisation initiale.
Cela revient à reproduire le mécanisme des feuilles
de présence. Toute autorisation donnée par un
adhérent en dépit de cette prohibition serait
radicalement nulle, lartiste nétant plus
titulaire des droits. Ainsi un auteur adhérent à
la SACEM qui cède des droits dexploitation sur
ses uvres, cède quelque chose qui ne lui appartient
pas et son contrat ne vaut rien . Ce système a pour
but de décourager les producteurs de conclure des contrats
individuels avec les artistes. D'après la SPEDIDAM,
le producteur est juste libre de choisir l'artiste, le lieu
et les dates de l'enregistrement, tout le reste devant désormais
être conclu dans le cadre d'un accord avec elle.
Toutefois, cette réponse unilatérale de la SPEDIDAM
na rien solutionné. En effet, une interprétation,
par définition, n'existe que lorsqu'elle est exécutée
à la différence d'une uvre qui existe
même si elle n'est pas jouée. Or, un artiste
réalise le plus souvent son interprétation dans
le cadre d'un contrat de travail conclu avec un producteur
et c'est ce contrat seul qui fait naître l'interprétation.
L'artiste peut-il donc céder quelque chose qui n'existe
pas au moment où il le cède ?
On peut quoi qu'il en soit s'interroger sur la validité
et la réalité des cessions consenties par les
musiciens à la SPEDIDAM. En effet, la cession des droits
des artistes ne saurait se présumer. Elle doit être
constatée par un écrit. Or, la SPEDIDAM considère
que les artistes membres qui ne se sont pas déplacés
à l'assemblée générale de 1994
et se sont donc abstenus de voter la modification des statuts
lui ont tacitement apporté leurs droits.
Peut-on à la fois dénoncer devant les tribunaux
les producteurs au motif que chaque fixation de la prestation
d'un artiste, chaque reproduction et communication au public
de celle-ci doit être soumise à son autorisation
écrite, et considérer que l'on est soi-même
propriétaire de ces droits en l'absence de tout écrit
?... cela nest pas sérieux, sauf pour notre inénarrable
ministère de la culture.
A quoi sert lADAMI ?
LADAMI se borne à répartir des droits
aux artistes-interprètes, travail quelle fait
dailleurs relativement mal. En 1996, elle navait
pas été capable de répartir les droits
revenant à Herbert VON KARAJAN (plus d1 MF),
à John LENNON, à David COPPERFIELD , à
Charles BRONSON, à Clint EASTWOOD, à Georges
HARISSON, à Bob MARLEY, à Georges MICHAEL, à
Roger MOORE, etc.
Ces personnes ou leurs héritiers ont pourtant tous
des agents ou des représentants quil ne doit
pas être bien difficile de contacter.
LADAMI a bien essayé davoir des interventions
plus conséquentes au niveau de la perception, mais
la quasi totalité des artistes solistes signent des
contrats directement avec leur producteur qui se charge de
leur répartir la rémunération proportionnelle
aux ventes de disques ou aux diffusion des films.
LADAMI a ainsi essayé de contester le droit des
sociétés civiles de producteurs de phonogrammes
de conclure directement des accords de diffusion avec une
radio, sans solliciter son intervention. Saisie de cette affaire,
la Cour de Cassation a reconnu que, lorsquun producteur
a pris soin dobtenir lautorisation des artistes
en leur faisant signer un contrat écrit respectant
les dispositions légales en vigueur, à savoir
la cession des droits de fixation de leur prestation, de reproduction
et de communication au public de cette fixation , il peut
librement et sans risque conclure des contrats avec les utilisateurs
de phonogrammes soit directement, soit par lintermédiaire
de sa société civile de producteurs et en tout
cas, sans lintermédiaire de lADAMI.
Il nest donc pas du tout certain que l'existence dune
structure de gestion aussi lourde soit vraiment utile, sauf
à permettre au ministère de la culture de faire
gérer, par des tiers qu'il a dans sa main, des budgets
daction culturelle subventionnant un certain nombre
dentreprises quil contrôle et dacheter
au passage la complaisance des syndicats de salariés.
Donner de tels pouvoirs à des sociétés
civiles dartistes, dauteurs et de producteurs
nest acceptable que sil existe des règles
viables et une autorité indépendante chargée
de contrôler leur application. Or, la réglementation
à ce propos est on ne peut plus fantaisiste et le ministère
de la culture n'est pas seulement le premier artiste de France,
il est aussi le premier producteur. Il intervient aujourd'hui
à tous les niveaux, dans tous les métiers. Il
a perdu de ce fait toute qualité pour arbitrer des
règles quil a rendues les plus obscures possibles
afin que personne ne puisse s'y retrouver.
© Roland LIENHARDT - 1998