Quand on saperçoit que le droit dauteur
à la française est économiquement plus
intéressant pour les producteurs que le système
du copyright américain lhistoire dune
formidable escroquerie intellectuelle qui ressemble également
souvent à de lescroquerie tout court
Il n'est pas possible de porter un regard sur la gestion
de la culture en France sans parler de la SACEM, de loin
la plus importante de nos sociétés dauteurs
.
Tout le monde s'accorde à saluer son efficacité
et sa rigueur en matière de perception de droits.
Là où le bât blesse, c'est sur les moyens,
souvent contraires à la loi, mis en uvre pour
obtenir de tels résultats, sur la façon dont
cette manne est répartie, et enfin sur le comportement
de plus en plus " impérial " de
cette institution.
Par sa position dominante, la SACEM répond parfaitement
au profil de " l'Imperium " : non seulement
elle jouit, en contravention avec le droit sur la libre
concurrence, d'un monopole de fait sur la musique, à
telle enseigne que beaucoup pensent qu'il s'agit d'une administration
et non d'une société privée, mais elle
affiche désormais ses prétentions à
exercer une influence prépondérante sur le
marché du droit d'auteur en France, en lançant,
à travers le secteur du multimédia, une sorte
d'OPA sur les autres sociétés.
Si une bureaucratie d'argent comme la SACEM, dispose du
pouvoir d'intimider la justice et même de conduire
l'État, arbitre et garant des lois, à fermer
les yeux sur ses agissements, c'est la dissolution progressive
de la démocratie qui est en train de se jouer.
Examinons dans le détail ce que recouvre notre critique
:
SACEM signifie : Société des Auteurs, Compositeurs
et Éditeurs de Musique. À lénoncé
de ce sigle, la première question qui peut venir
à l'esprit est de savoir ce que les éditeurs
viennent faire dans un tel cercle ? On touche là
à un des plus gros problèmes posé par
la SACEM.
Ce vice de principe est aggravé encore par le fait
que lédition de musique étant aujourdhui
réalisée par la gravure d'un disque plutôt
que par l'édition d'une partition, tant qu'à
trouver des agents économiques dans les assemblées
d'auteurs, il serait plus normal que ce soient les producteurs
qui y figurent. Ils sont souvent à l'origine de la
première divulgation de l'uvre par le biais
du phonogramme, après avoir pris les risques financiers
sur des enregistrements dont les coûts sont sans commune
mesure avec ceux quentraîne la réalisation
d'une partition, effectuée très facilement
aujourd'hui par les moyens informatiques.
Survivance d'une époque révolue où
les éditeurs graphiques prenaient à leur charge
d'imprimer les partitions puis de faire le tour des kiosques
à musique pour les vendre aux chefs d'orchestre,
les éditeurs continuent non seulement d'occuper une
présence statutaire à la SACEM mais reçoivent
une part importante des droits collectés sur les
uvres. L'Édition musicale, récupère
souvent au moins 50 % des droits de reproduction mécanique
et 1/3 des droits de représentation.
Les éditeurs qui, de par la loi, ne sont pas titulaires
de droits dauteurs mais peuvent néanmoins être
membres des sociétés dauteurs, sont
rémunérés de fait par la SACEM comme
ayants-droit.
Dans le projet de loi qui a abouti à la loi de 1985,
laquelle réglemente pour la première fois
en France les sociétés dauteurs, les
éditeurs n'étaient pas reconnus comme associés
possibles. Le texte ne parlait que des auteurs et de leurs
ayants-droit. Cest lors de la seconde lecture au Sénat,
après pressions des lobbies, que les éditeurs
ont sauvé " in extremis " leur " nid
de coucou". La SACEM avait eu chaud. Charles LEDERMAN,
représentant du groupe communiste au Sénat
fut l'un des rares élus à s'être opposé
à cet amendement illégitime dénonçant
la présence d'intérêts économiques
dans les collèges d'auteurs alors que ces derniers
ont déjà à subir les contraintes des
éditeurs sur le marché.
Philippe DOUSTE-BLAZY, alors qu'il était encore ministre
de la culture, est revenu plus tard sur le sujet en déclarant
que " le régime des sociétés
de perception et de répartition des droits définis
par le titre II du livre III (du Code de la Propriété
Intellectuelle - CPI) ne permet pas à ces sociétés
de comporter parmi leurs sociétaires des usagers
des uvres dont elles assurent la gestion collective.
Une telle participation serait contraire à la volonté
du législateur de 1985 de constituer des organismes
représentatifs des titulaires des droits de propriété
littéraire et artistique ". Il est vrai
que le ministre disait alors nimporte quoi puisque
le Code reconnaît ce droit aux éditeurs depuis
1985, mais il navait visiblement pas tout compris...
Or, lorsquun auteur ou un producteur aujourd'hui va
déposer ses uvres à la SACEM, et cela
à loccasion de leur début dexploitation,
celle-ci lui demande systématiquement quel est léditeur,
et fait croire aux auteurs quil est obligatoire den
avoir un alors que c'est totalement faux. On pousse ainsi
les jeunes auteurs, si ce n'est pas déjà fait,
à se lier avec un éditeur qui ne sera souvent
quun accapareur de droits ou, dans le meilleur des
cas, un banquier pratiquant des méthodes proches
de lusure.
Si en matière de droits de représentation,
la répartition des droits entre auteur et éditeur
est encadrée par le règlement de la SACEM,
ce qui nempêche pas certains éditeurs
de se mentionner également comme co-auteurs et de
prendre plus que leur part, la répartition est libre
en matière de droit de reproduction. De ce fait,
un certain nombre dauteurs débutants, dont
les préoccupations et les compétences sont
loin de l'ordre juridique, cèdent jusquà
95 % de leurs droits de reproduction à léditeur
! Le producteur exige souvent des artistes-auteurs la cession
des droits dédition pour entrer en studio et
enregistrer les premières maquettes de disques.
Dans les documents relatifs à la répartition
quelle publie chaque année, la SACEM se garde
bien de faire apparaître le tableau des ventilations
entre les différentes catégories d'associés.
La SACEM présente ses chiffres en parlant de répartition
aux ayants-droit et non de répartition aux auteurs,
et pour cause ! Si elle distribue bien, comme elle l'affirme
près de 80% de ce qu'elle perçoit, et encore,
sans prendre en compte les revenus dune trésorerie
pléthorique, il est clair que ce ne sont pas les
auteurs qui en profitent principalement.
Que font les éditeurs à
la SACEM ?
Au-delà du fait que le recours à l'éditeur
n'est pas obligatoire, les cessions dont ils bénéficient
présentent de surcroît un caractère
largement fictif. Si l'auteur en effet, en adhérant
à la SACEM cède ses droits à cette
société, comment peut-il les céder
dans le même temps à un éditeur ?
La SACEM, qui a acquis les droits dun auteur, va en
effet les acquérir une seconde fois auprès
de léditeur.
La SACEM semble ne s'être jamais posée la question
de la validité de la cession à léditeur
dun droit qui lui avait déjà été
cédé. Elle paie cependant une partie des droits
aux éditeurs, conformément au contrat de cession
intervenu entre lauteur et léditeur.
Pourtant, sans ambiguïté possible, au terme
de ses propres statuts, l'adhésion à la SACEM
emporte cession exclusive à cette dernière
des droits de représentation et de reproduction.
Il n'y a que l'auteur dans cette affaire pour agir de bonne
foi. Il n'a aucun moyen de percer les raisons de tels montages
structurels que sa propre société de protection
lui présente comme impératifs.
La plupart des jeunes auteurs sont ainsi persuadés
quil est aussi nécessaire davoir un éditeur
pour percevoir ses droits par le biais de la SACEM que d'avoir
un numéro d'assuré pour être remboursé
par la Sécurité Sociale.
Victimes d'un véritable abus de confiance, ils se
retrouvent souvent complètement phagocytés
et dans tous les cas dépossédés d'une
partie de leurs revenus.
La SACEM agit délibérément au préjudice
de l'auteur qu'elle est censée protéger, puisqu'elle
soustrait une partie des redevances qui lui sont dues en
vertu d'un contrat qu'elle sait entaché de nullité
pour défaut d'objet.
L'acte frauduleux repose d'une part sur le fait de verser
indûment une partie du revenu de l'auteur à
l'éditeur de musique, dautre part sur le fait
que ce versement a lieu sous forme de droits d'auteur et
bénéficie ainsi d'avantages sociaux et fiscaux
tout aussi conséquents quils sont dénués
de fondement.
Au regard des éléments de droit, on peut considérer
que la SACEM commet à cet égard un véritable
délit d'escroquerie car :
- elle trompe l'auteur en lui faisant croire que le montage
juridique auquel il souscrit est valable, indispensable
et protecteur de ses intérêts ;
- elle détourne frauduleusement une partie importante
des sommes qui sont dues à lauteur ;
- elle rémunère enfin l'éditeur au
moyen de droits d'auteur en fraudant au passage le fisc
et la sécurité sociale .
Quant à l'éditeur, il est passible du même
chef d'inculpation pour s'être fait octroyer une partie
des redevances de l'auteur par le biais de la SACEM/SDRM
sur la base d'un contrat d'édition illicite.
Compte tenu que la SACEM, par son ascendant, est de fait
une bonne négociatrice et que si elle ne répartit
pas de façon équitable, elle perçoit
néanmoins à un très haut niveau, on
pourrait considérer que bon an mal an les auteurs
s'y retrouvent plus largement quen allant eux-mêmes
à la pêche de leurs droits et que cela vaut
bien quelques arrangements et entorses juridiques.
Le réalisme commanderait alors de s'arranger avec
la morale. Eh bien, surtout pas ! Un réalisme bien
placé et une vraie morale ont fort heureusement sort
lié.
Il faut bien avoir conscience en effet que seuls les auteurs
confirmés profitent de ces mécanismes qui
en revanche permettent de " plumer " les débutants,
sans compter que d'une façon plus générale
il est particulièrement malsain pour notre vie culturelle
nationale que des règles de droit soient aussi massivement
détournées.
Cela fausse la concurrence, appauvrit la diversité
des dynamiques culturelles, inhibe enfin l'émergence
dinitiatives nouvelles, à plus forte raison
l'apparition de sociétés dauteurs alternatives
qui ne bénéficieraient assurément pas
de la même bienveillance de la part des pouvoirs publics,
témoins attentistes jusqu'à ce jour de toutes
ces transgressions.
A un tel point, du reste, que l'on est en droit de se demander
si cette tolérance de l'État qui revêt
la forme d'un énorme cadeau, n'est pas payée
de retour.
La SACEM rend en effet bien des services. Elle intervient,
par exemple, dans un certain nombre dassociations
mises en place de façon illégale par le ministère
de la culture et en finance même quelques-unes.
En 1997, par exemple, au titre de l'aide à la promotion
et à la production du spectacle vivant, la plus grosse
subvention qu'elle ait versée l'a été
à Manon LANDOWSKI, sur du directeur de la musique
et de la danse au ministère de la culture, à
savoir Anne CHIFFERT . Dans la même veine, on note
également une subvention de la SACEM à CEFEDEM,
association illégale, comme on l'a vu précédemment,
qui vient d'être intégrée dans le tout
nouveau Centre national de la danse.
La SACEM assiste également la puissance publique
française à l'échelon international.
Ainsi certains auteurs étrangers ne peuvent adhérer
chez elle quavec laccord de la société
de droit de leur pays d'origine. Quand on sait que les responsables
de ces sociétés surs sont parfois nommés
par les gouvernements locaux (pas toujours très passionnés
par la liberté d'expression et la démocratie)
et non par les auteurs, et que ces derniers ne perçoivent
en définitive quune toute petite partie de
leurs droits, on comprend mieux que les facilités
ainsi faites à des gouvernements étrangers
amis de la France puissent procurer quelques compensations
occultes à ceux qui en procurent les moyens.
Si le mécanisme de captation par les éditeurs
des droits dauteur est le préjudice le plus
important commis au détriment des auteurs, il nest
hélas pas le seul.
Une partie conséquente des droits versés au
titre des auteurs ne bénéficie pas forcément
à ceux qui ont pris part à la création.
Au premier rang des spoliés figurent les auteurs
d'adaptation.
De la même façon que les éditeurs gardent
leurs privilèges grâce à la SACEM, celle-ci
conserve souvent aux auteurs originaux des uvres musicales,
ainsi qu'à leurs héritiers, la totalité
des revenus de l'uvre adaptée, alors que l'adaptation
figure aujourd'hui parmi les fers de lance de la production
contemporaine, quand elle ne va pas jusqu'à relever
de l'essence même de certains genres musicaux. Cest
le cas du jazz, où l'artiste-interprète, souvent
improvisateur, peut " tisser " à
l'infini autour d'un thème, voire d'une simple grille.
Adapter une uvre en musique, cest créer
une uvre nouvelle par transformation dune ou
plusieurs uvres préexistantes. Il peut alors
s'agir dune modification de lorchestration ou
du texte de la chanson, souvent à loccasion
de sa traduction, dune interprétation réalisée
par improvisation et/ou variation dun thème.
Du reste, larticle L.122-3 du CPI énonce que
lauteur dune adaptation jouit de la protection
du droit dauteur sur son uvre. Le code précise
cependant que cette adaptation ne doit pas causer de préjudice
aux droits du ou des auteurs de luvre originale
et qu'on doit obtenir une autorisation, de leur part, ce
qui est tout à fait normal.
Les arrangeurs et adaptateurs ne sont pas toujours comptés
dans la répartition des droits, alors que leur nom
est pourtant mentionné au crédit de création
des album.
À ce titre, la société dauteurs
pourrait même être accusée de contrefaçon
car elle délivre une autorisation de reproduction
ou de représentation sur une uvre avec un bulletin
de déclaration qui ne comporte pas la signature de
tous les auteurs.
Le ministère de la culture pourrait également
intervenir et faire jouer son pouvoir de tutelle pour veiller
à ce que La classification des uvres adoptée
par la SACEM respecte la loi sur le droit dauteur.
Mais là encore, silence assourdissant.
Pour clore cette énumération de manquements
et d'infractions, il faut parler enfin de ceux que l'on
peut appeler les exclus de la SACEM, qui ne sont ni rémunérés
ni nommés.
Dimportantes catégories dauteurs sont
en effet occultées non seulement dans la répartition
des droits, mais aussi dans la simple reconnaissance de
leur travail créatif.
C'est le cas des auteurs dun certain nombre duvres
relevant du régime de la collaboration, et qui sont
alors la propriété commune des coauteurs.
En foi de quoi, lorsque la SACEM négocie dans le
cadre de ses contrats généraux ou particuliers
lexploitation des droits sur les uvres de son
répertoire, elle ne peut le faire sagissant
des uvres de collaboration que si elle représente
vraiment lensemble des coauteurs. Or, comme elle nadmet
pas la possibilité dadhésion de certaines
catégories dauteurs qui ont par ailleurs le
statut de coauteurs des uvres en question, ces auteurs
là passent purement et simplement à la trappe.
C'est le cas en particulier des vidéomusiques. La
SACEM gère les droits des auteurs-compositeurs de
la musique. Elle se fait fort de représenter les
réalisateurs, mais oublie souvent les chorégraphes,
quand bien même la partie visuelle du produit composite
relève essentiellement de ce genre.
Le succès de certains titres comme la Lambada , la
Macarena, Un dos tres, ou plus récemment encore,
Around the world par exemple, est largement dus au clip
et à sa chorégraphie.
Ce qui n'empêche pas que les chorégraphes sont
exclus de la répartition des droits générés
par les clips. Parfois même, on exclut par la même
occasion le réalisateur en lui interdisant par contrat
de déposer son uvre. Dans de tels cas, les
auteurs de la musique et leur éditeur saccaparent
la totalité des droits perçus au titre de
ces uvres de vidéomusique.
La SACEM ferme les yeux sur ce problème pour ne pas
se mettre à dos la SACD (Société des
Auteurs et Compositeurs Dramatiques) avec laquelle elle
partage par ailleurs de gros intérêts stratégiques.
On voit encore là le poids de vieux modèles
académiques auxquels plus personne ne croit mais
qui ont le mérite de servir de justification au maintien
de privilèges matériels et corporatifs. La
SACD considère les chorégraphies des vidéo-clips
comme de simples habillages techniques.
Cest bien sûr un chorégraphe issu du
sérail couvé par la Culture et qui ne devrait
même pas, en sa qualité de fonctionnaire de
fait, bénéficier de droits dauteurs,
qui décide quelles sont les chorégraphies
de ses pairs dignes de prétendre à la qualité
d'uvre plénière ouvrant droit à
attribution de redevances.
Ce qui rend la chose encore plus inacceptable, c'est que
la plupart des chorégraphies contemporaines reconnues
comme telles sont en général de pures créations
de danse, dénuées de tout aspect narratif.
À tel point que ce sont souvent les administrateurs
ou les responsables de communication des compagnies qui
s'occupent de rédiger un livret qui ne sera en général
pas pris en compte par le chorégraphe, histoire de
rentrer dans la norme intellectuelle des octroyeurs de subventions.
La SACEM/SDRM délivre allègrement des autorisations
de reproduction et de représentation de vidéomusiques
en méconnaissance des droits de l'auteur chorégraphe.
Elle se livre donc à une exploitation de luvre
sans lautorisation de lun de ses coauteurs.
Cette exploitation des uvres à laquelle seule
une partie des coauteurs est associée, tombe bien
sous le coup du délit de contrefaçon...
Bilan final de tous ces escamotages, la part des droits
répartis par la SACEM aux auteurs des uvres
est, semble-t-il, bien mince.
Notre enquête à la recherche de ces chiffres
a rencontré les mêmes difficultés et
les mêmes mystères qu'une chasse au trésor
. Lanalyse des données disponibles nous permet
d'estimer que leur montant global oscillerait entre 10 et
30 % des sommes perçues.
Le Canard Enchaîné, dans un article en date
du 25 février 92, écrivait à propos
de cette question, que le pourcentage sélèverait
seulement à 8,6 %. À notre connaissance, le
journal n'a fait l'objet d'aucune attaque en diffamation
ni même d'un droit de réponse de la part de
la SACEM.
Toutes ces irrégularités venant de la SACEM
sont graves car elles touchent à l'essentiel de ce
qu'elle a pour mission de préserver et de défendre
: les droits d'auteur. En application de larticle
L. 321-11 du Code de la Propriété Intellectuelle,
le ministère de la culture serait fondé à
demander à la justice de prononcer la dissolution
de la SACEM et à lui interdire en attendant, de poursuivre
ses activités de recouvrement.
Les auteurs nauraient pas grand-chose à craindre
de cette décision, le personnel et les outils de
la société dissoute pouvant parfaitement être
réutilisés par de nouvelles sociétés
civiles, comme ce fut le cas pour la SPADEM par exemple.
Le tout étant que d'indéniables compétences
et d'importants moyens puissent retrouver le chemin des
vocations premières, cest-à-dire le
développement de la création artistique et
la protection de ses intérêts professionnels.
Bien sûr, les éditeurs seraient exclus de cette
configuration nouvelle. La part ainsi récupérée
permettrait aux auteurs de retrouver l'intégralité
de leurs droits, de reconnaître d'autres catégories
d'auteurs aujourd'hui ignorées et même, de
pondérer le coût de la musique, c'est-à-dire
d'en étendre l'utilisation et la jouissance publique.
La mésaventure SPADEM : lindépendance
à la trappe ou le sort réservé aux
francs-tireurs
Il existait une société dauteurs qui
nhésitait pas à critiquer le ministère
de la culture. Cette société, née au
siècle dernier, avait réussi à conserver
une certaine indépendance vis-à-vis des pouvoirs
publics. La SPADEM défendait les droits des artistes
dans le domaine des arts plastiques et graphiques. Dans
ce domaine, il y avait fort à faire et des lobbies
très influents. En effet, les premiers diffuseurs
duvres relevant des arts plastiques sont les
musées, dont limmense majorité dépend
de lÉtat ou des collectivités publiques
territoriales. Ces musées organisent de très
nombreuses expositions. Et, bien entendu, le ministère
de la culture nest pas très regardant quand
il est producteur sur le respect des droits dûs aux
auteurs.
La SPADEM avait donc pour cheval de bataille de faire reconnaître
le droit des plasticiens en matière dexposition
et de citation de leurs uvres.
La SPADEM bataillait également pour faire reconnaître
les droits des plasticiens auprès des commissaires-priseurs
et des galeries qui reproduisent souvent les uvres
dans le cadre de leurs catalogues en invoquant laspect
promotionnel et sans rien vouloir payer.
La SPADEM avait même osé batailler pour lapplication
du " droit de suite ". En effet, le CPI
reconnaît aux auteurs duvres graphiques
et plastiques un droit à percevoir 3 % du prix des
ventes de leurs uvres faites aux enchères publiques
ou par lintermédiaire dun commerçant.
Cette réglementation a pour but de faire profiter
lartiste de lévolution de sa cote afin
que des artistes célèbres soient financièrement
associés au succès de leurs uvres.
Un décret doit venir déterminer les conditions
dans lesquelles les auteurs feront valoir leurs droits à
loccasion des ventes. Celui-ci se fait désirer
depuis 1957.
En attendant, on applique la loi précédente,
qui date de 1920. Mais cette loi ne concerne que les ventes
réalisées par les commissaires-priseurs dans
le cadre denchères publiques.
Le droit de suite ne sapplique donc toujours pas aux
ventes réalisées par les commerçants.
Il convient de savoir que 60 % des ventes réalisées
en France par les galeries privées émanent
de commandes publiques. Le droit de suite ne plaît
donc pas forcément aux pouvoirs publics.
La SPADEM a eu loutrecuidance dattaquer le ministère
de la culture. Le Conseil dÉtat a condamné
lÉtat au motif que, en labsence dune
modification législative de larticle 42 de
la loi de 1957 , le gouvernement avait lobligation
dassurer la pleine application de cet article en prenant,
dans un délai raisonnable, les dispositions réglementaires
nécessitant sa mise en uvre.
Toutefois le Conseil dÉtat na pas octroyé
à la SPADEM les dommages-intérêts quelle
réclamait, estimant quil ne lui était
pas possible de calculer le préjudice que la carence
des pouvoirs publics lui avait causé.
Cest la première et unique fois quune
société dauteurs sest attaquée
au ministère de la culture.
Curieusement, la SPADEM est la seule société
dauteurs à avoir fait lobjet de critiques
dans le rapport du ministère de la culture sur les
sociétés dauteurs de 1993.
Encore curieusement, la SPADEM na pas réussi
à récupérer les sommes qui lui revenaient
de la copie privée, les autres sociétés
dauteurs traînant peut-être un peu plus
que nécessaire afin de mettre la SPADEM en situation
de gestion difficile. Le plus important des associés
de la SPADEM, la succession PICASSO, sest retiré.
Finalement, la SPADEM a été mise en liquidation
en 1996.
Il est vrai que cette société nétait
pas exempte de critiques quant à sa gestion. Lassociation
SPADEM avait déjà été déclarée
en règlement judiciaire en 1988. La société
civile SPADEM avait été autorisée à
poursuivre son activité dans le cadre dun plan
de redressement. Elle venait de vendre limmeuble de
son ancien siège social et la situation avait été
considérée comme apurée en 1993.
Pour un total de perception de 45 MF en 1990 et de 27 MF
en 1991, la SPADEM avait un budget de fonctionnement annuel
de 12,5 MF. Sur ces deux exercices, la gestion de la SPADEM,
dont les retenues pour frais de gestion sont statutairement
encadrées, accusait donc à nouveau un déficit
après encaissement des revenus financiers de 3,44
MF.
Nous avons contacté lancienne directrice-gérante
de la SPADEM, Martine DAUVERGNE, afin davoir davantage
dexplications. Elle prétend en effet que la
mise en liquidation de la SPADEM a été directement
pilotée par le ministère de la culture, la
SACEM et lADAGP, afin de récupérer les
artistes plasticiens et que, si on lui avait reversé
dans les délais les fonds en provenances de la copie
privée, la SPADEM naurait pas eu de problèmes
financiers. Nous navons pas eu suffisamment déléments
du dossier pour nous permettre un avis sur la question.
Toujours est-il que la liquidation de la SPADEM a été
étroitement gérée par le ministère
de la culture qui a tout fait pour pousser les artistes
plasticiens et les photographes à rejoindre la société
labellisée ministère, lADAGP, oubliant
au passage de rester neutre et impartial.
© Roland LIENHARDT - 1998
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